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l’absolutisme, non pas de l’état, au vieux sens du mot, mais d’une majorité de parti, selon l’aveu du ministre lui-même. Est-il question de la mairie centrale de Paris, il se réserve pour sa part, il attend d’être éclairé ; mais en même temps il laisse auprès de lui un de ses collègues, le ministre du commerce, M. Lockroy, promettre son appui à l’autonomie communale et exprimer l’espoir qu’en 1889, à l’exposition universelle, le maire de Londres pourra être reçu par le maire de Paris. Tout récemment, devant le sénat, un autre de ses collègues, interpellé sur la révocation d’un ancien général, maire de sa commune, prenait parti contre le vieux soldat destitué pour avoir empêché quelques tapageurs de village de mettre un bonnet rouge sur le drapeau national dans une cérémonie officielle. Lorsqu’enfin il y a quelques jours à peine, M. le président du conseil lui-même a été appelé devant la chambre pour s’expliquer sur les affaires financières, quelle a été sa préoccupation la plus visible ? Il semble n’avoir eu d’autre souci que de ménager les radicaux, de garder les bonnes grâces de ceux qui, précisément, ne cessent de voter contre le ministre des finances. — Ainsi vont les choses. Avec cela on peut vivre peut-être quelques jours de plus, si c’est vivre, — on ne gouverne pas, on se crée l’impossibilité de gouverner. On se fait sans profit le complice de cette anarchie où ce n’est pas seulement le gouvernement qui s’éclipse, où les libertés parlementaires elles-mêmes sont compromises par la confusion et l’impuissance dont elles offrent le spectacle dans une des discussions qui intéressent le plus le pays.

Où s’arrêtera-t-on, maintenant, dans ces débats mêlés de surprises et de puérilités ? A quoi arrivera-t-on avec ces procédés de fantaisie qui finiraient par déconsidérer et rendre suspect, si c’était possible, jusqu’à ce mot d’économie dont on couvre souvent d’assez pauvres calculs ? C’est pour le moment et pour quelques jours encore l’unique question. Ce qu’il y a de bien clair provisoirement, c’est que cette chambre, qui a plus d’instincts que de lumières, ne sait pas elle-même où elle va, qu’elle ne se rend pas compte de ce qu’elle fait et qu’elle est exposée à arriver au bout de sa carrière avec un budget de rencontre où il n’y aura ni l’équilibre désiré, ni un ordre visible, ni des services suffisamment assurés. Évidemment on n’en serait pas là s’il y avait eu un gouvernement, si M. le président du conseil, au lieu de songer à faire sa cour aux radicaux, était allé dès le premier jour soutenir de sa parole, de son action M. le ministre des finances, non pas à tout propos, comme il s’est plu à le dire, mais sur les points essentiels et décisifs où l’intérêt de l’état était engagé. Il eût probablement réussi, avec un peu de fermeté, à prévenir bien des incohérences, à modérer tout ce déchaînement de fantaisies réformatrices, et il aurait épargné à la chambre un assez grand ridicule. Aujourd’hui la dernière ressource est au Luxembourg.