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alternatives de hausse et de baisse, de rendemens surprenans et de temps d’arrêt soudains dont on avait vu tant d’exemples sur les rives du Sacramento et du San-Joaquin. De 1861 à 1878, on compte dans ces nouvelles mines trois découvertes de filons extraordinaires, ce que les mineurs, dans leur langage imagé, appellent trois grand pay chutes. La première de ces découvertes fut celle d’un filon reconnu par hasard à la surface de la mine de Gould et de Curry. Il produisit 200 millions, puis cessa brusquement en 1860. Pendant quelques années la mine ne donna plus qu’un rendement moyen et un dividende ordinaire. En 1872, on retrouve tout à coup le filon perdu courant en profondeur vers le sud. On en extrait 450 millions de francs, et l’on vient se heurter à des roches improductives. Pendant des années on le cherche en vain. Le hasard le révèle dans les mines de Consolidated Virginia ; cette fois il rend plus de 550 millions, et n’est pas encore épuisé.

Les actionnaires subissaient le contre-coup de ces périodes de hausse et de baisse, tantôt encaissant des dividendes énormes, tantôt écrasés par des appels de fonds réitérés quand la veine perdue, à la poursuite de laquelle on s’acharnait, exigeait des dépenses considérables. Les uns, découragés, lâchaient prise à la veille du succès, les autres, réalisant en pleine prospérité, rachetaient aux heures d’abattement ; quelques-unes des grandes fortunes de San-Francisco n’ont pas d’autre origine. On s’en rendra mieux compte par un exemple pris entre cent.

J.-G. Flood et W.-S. O’Brien, associés, tenaient à San-Francisco un bar room, salon de rafraîchissemens, fréquenté surtout par les négocians et les courtiers. Presque toutes les affaires à San-Francisco se traitaient alors dans les bureaux, mais se terminaient au bar room. Derrière le comptoir se tenaient du matin au soir les deux associés occupés à servir leurs cliens. Leurs affaires marchaient assez bien, ils avaient mis quelque argent de côté et acheté avec leurs économies un petit intérêt dans une mine, à Virginia City. Intéressés dès lors à ce genre d’opérations, comptant parmi les familiers de leur établissement bon nombre de capitalistes et de spéculateurs en actions minières, ils sollicitèrent d’eux des conseils et des renseignemens, prêtant en outre une oreille attentive aux conversations dont ces valeurs étaient l’objet. Ils achetèrent et vendirent, réalisant sur leurs opérations restreintes de modestes bénéfices jusqu’au jour où, désireux d’étendre leurs spéculations et d’être exactement tenus au courant par des gens résidant eux-mêmes aux mines, ils s’associèrent avec J.-W. Mackay et J.-G. Fair, habitant Virginia. Guidés par eux, ils achetèrent la plupart des actions de la mine de Consolidated Virginia au moment où ces actions étaient tombées à 45 francs ; un certain nombre leur fut même