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l’exploitation de gîtes aurifères dans le comté de Mariposa. Je quittai le pays de l’or au commencement du mois de décembre 1859, forcé de me rendre au Chili. Quand je revins à Paris au mois de mai 1860, je trouvai la France émue des découvertes de Washoë et de ces nouvelles exploitations d’argent. Tous les banquiers étaient en éveil. Le gouvernement français se préparait alors à abaisser, comme il l’a fait depuis, le titre de ses monnaies d’argent, afin de parer au défaut d’équilibre entre les deux métaux précieux, lequel avait été amené par une trop grande abondance de l’or. Avant d’accomplir l’opération qu’il projetait, le gouvernement, pour s’édifier complètement sur les récentes découvertes, dépêcha sur les lieux un de ses ingénieurs des mines. Celui-ci vint à Washoë, annonça aux mineurs qu’ils étaient sur un filon d’or et non d’argent, et rédigea son rapport sur ces conclusions. Le fait est resté légendaire dans tous les états du Pacifique. Les pionniers de Washoë laissèrent dire et s’escrimèrent si bien sur leur filon qu’en dix années, de 1860 à 1870, le Nevada produisit en lingots d’argent une moyenne de 70 millions par année. En 1873, la production a même atteint 125 millions. Le Mexique tout entier, le plus riche des états argentifères, ne fournit pas au-delà de 100 millions par an. »

Connu d’abord sous le nom de Washoë, ce nouveau filon fut désigné sous celui de Comstock, suivant la loi des mines, qui donne à tout placer le nom du premier qui en marque le périmètre, ainsi que le fit Comstock, associé des deux Irlandais. Le Comstock se dresse comme une muraille énorme sur un plateau qui atteint huit mille pieds au-dessus du niveau de la mer. Pays rude, où souffle un vent âpre et froid. Le sol aride et grisâtre y porte de maigres moissons. La montagne, crevassée par les pluies et le froid, battue par les tempêtes, élève lisses et droites ses assises de quartz dur à rayer l’acier, brillant comme du métal poli. Sur le plateau de la mine même s’étend aujourd’hui Virginia-City, une ville de plus de vingt mille habitans, aux larges rues droites, formant damier, bordées de magasins, de maisons de banque, d’hôtels, et surtout de cabarets aux enseignes grotesques et branlantes, secouées par une bise constante.

Comstock avait le premier tracé le périmètre de son exploitation, et, suivant la loi en usage, pris possession de 200 pieds linéaires sur le filon ; James Walsh en fit connaître la valeur. A la fin de 1861, il expédiait à San-Francisco 3,000 kilogrammes de rainerai non épuré qu’on lui payait 22,500 francs, et il achetait à ses voisins 1,800 pieds de filon à 70 francs le pied. Quelques mois plus tard, le pied se vendait couramment 5,000 francs, et les mineurs envahissaient le pays. « Il fallait voir, écrivait un témoin oculaire,