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journaux de Panama annonçaient à grand bruit la découverte de riches placers aux sources de l’Amazone, et un millier de mineurs quittaient la Californie pour s’y rendre et n’y rien trouver. En 1855, nouvel excitement, comme on appelait ces fièvres minières. Cette fois, il s’agissait, disait-on, de gisemens fabuleux, sur les bords du Kern-River ; on y avait trouvé, en effet, des belles pépites ; il n’en fallut pas davantage pour provoquer un nouvel exode de 5,000 travailleurs, 10,000 autres se préparaient à les suivre quand les faits se précisèrent ; tout au plus s’il y avait du travail pour 100 mineurs.

Ces secousses se reproduisaient fréquemment, nous ne citons que les principales : l’imagination, la spéculation et la crédulité en faisaient les frais. Beaucoup de mineurs, las d’un travail régulier, bien que rémunérateur, abandonnaient leurs claims et, la carabine d’une main, le pic de l’autre, se mettaient à prospecter. Ils se passionnaient pour cette existence nomade, comptant toujours sur une heureuse trouvaille qui ferait leur fortune, en attendant, explorant les montagnes et les vallées, rencontrant parfois de bonnes veines, promptement épuisées, repartant de nouveau à la recherche du grand filon aurifère rêvé, dont ils voyaient partout les débris sous forme de poudre et de pépites, et qu’ils se figuraient comme une montagne d’or massif. Quand le hasard leur faisait découvrir quelque riche placer, ils se hâtaient d’ébruiter leur découverte dans l’espoir de la revendre à haut prix et de s’enrichir d’un seul coup. Poussant toujours plus avant, ils s’enfonçaient dans les montagnes de la Sierra Nevada, dans le désert du Colorado, dans les grandes plaines du sud, dans le nord de l’Orégon, remontant jusqu’à la Colombie britannique, rayonnant dans toutes les directions, entraînés par le mirage de l’or.

Au mois d’avril 1858, le bruit se répandit que l’on venait de rencontrer des gisemens d’une richesse inouïe sur les bords de la rivière Fraser, dans la Colombie britannique, à 100 milles de l’Océan-Pacifique. A l’appui de cette assertion, on envoyait des échantillons de poudre d’or très pur recueillie dans le sable et on affirmait que, quand la rivière, très haute alors par suite des pluies d’hiver et de la fonte des neiges, viendrait à baisser, on récolterait d’énormes quantités du précieux métal, les échantillons envoyés n’étant que le résultat de quelques jours de travail d’une petite bande de mineurs. Au reçu de ces nouvelles, un vent de folie passa sur la population. On ne parlait plus que des mines du Fraser. Tous les paquebots disponibles s’annonçaient en partance pour les nouveaux placers, une armée de mineurs descendait sur San-Francisco pour s’embarquer. On put croire un moment que c’en était fait de la Californie. Du 20 avril au 9 août, 23,428 partirent ; les autres, maudissant la fortune