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donnait l’ancien texte. Ce document capital est reproduit avec des variantes insignifiantes[1]. Dans le détail des préceptes, l’auteur du code nouveau fait de grands emprunts au Livre de l’Alliance. Il a sûrement copié sa liste des bêtes pures et impures dans un texte plus ancien[2], qu’il a corrigé et écourté. Sur une foule de points de casuistique, il n’a fait qu’abréger des règlemens antérieurs. Pour les lépreux, il renvoie à un code qui nous a été conservé ailleurs[3].

Ce qui appartient bien à notre auteur, c’est le schema, la pierre angulaire du judaïsme, la courte formule de son Credo, à travers les siècles : « Écoute, Israël ; Iahvé, notre Dieu, est unique. Tu aimeras Iahvé, ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme et de toutes les forces. Que les choses que je le prescris aujourd’hui soient toujours présentes à ta pensée. Tu les inculqueras à tes fils et tu en feras ton entretien, quand tu demeureras dans la maison, et quand tu seras en voyage, en te couchant, en te levant. Tu les attacheras en signes sur les mains, en bandeau sur ton front ; tu les écriras sur les jambages de ta maison et sur tes portes. »

En prenant ce précepte à la lettre et en l’exécutant d’une façon toute matérielle, le judaïsme n’a pas manqué d’une sorte de sagacité historique. La Thora découverte (c’est-à-dire fabriquée) sous Josias a été la base de la religion particulière qui s’est fondée au VIIe siècle avant Jésus-Christ, en Palestine. Elle a été la pire ennemie de la religion universelle que rêvaient les prophètes du VIIIe siècle ; Jésus n’a pu faire triompher l’esprit des grands prophètes qu’en la brisant, en la niant en face. Mais les choses humaines sont composées de matière et d’esprit. La liberté et la chaîne, ce qui excite et ce qui retient, le sublime et le terre-à-terre sont également nécessaires pour construire un grand ensemble qui dure. Sans la Thora, les prédications des prophètes fussent restées infécondes et seraient à l’état de tant de manifestations de l’esprit dont la trace même est perdue.

Le Iahvé de la Thora née sous Josias ressemble tellement à celui de Jérémie, que l’on est tenté de croire qu’ils ont tous deux le même père. Le Iahvé de la Thora est en même temps le Dieu du ciel et de la terre et le Dieu d’Israël. C’est, à la fois, le Dieu universel, comme tel absolument juste, et un Dieu provincial, souverainement injuste. Quand il s’agit de son peuple, il est égoïste, immoral. Pour prix d’une fidélité peu méritoire, puisqu’elle est intéressée, il promet à

  1. Deutér., ch. V.
  2. Lévit., ch. XI. L’interdiction des mélanges hétérogènes a aussi une physionomie plus ancienne dans Lévit., XIX, 19, que dans le Deutéronome.
  3. Lévit., XIII et XIV ; Deut., XXIV, 8.