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rituelle, qui plus tard devait dévorer Israël. Un dicton sans cesse répété était celui-ci :


De Sion sortira la Thora
Et la parole de Iahvé de Jérusalem[1].


Mais beaucoup de ces préceptes nouveaux ne s’écrivaient pas encore. Les petits codes comme celui des lépreux, qui furent rédigés de bonne heure, formaient des livrets à part[2], et n’ont été réunis que plus tard pour constituer cet ensemble de lois, sans suite, qui remplissent une partie de l’Exode, le Lévitique tout entier et plusieurs chapitres des Nombres.

Le mot d’ordre des prophètes était Iahvé mehoqeqénou, « Iahvé est notre législateur. » Outre le Livre de l’Alliance, dont quelques parties avaient vieilli, et le Décalogue, toujours jeune, il y avait des petites Thora, si l’on peut s’exprimer ainsi, tel que le Psaume XV[3], où l’on énumérait en quelques lignes excellentes les devoirs du serviteur de Iahvé. Isaïe affectionnait ces sortes de résumés[4]. Il n’y avait pas pour ces préceptes de texte consacré, de rédaction unique ; mais le fond était bien toujours le même. Quant à l’esprit, « les Commandemens de Dieu » étaient complets du temps d’Ézéchias.


III

La mort d’Ézéchias, arrivée l’art 696 avant Jésus-Christ, fut le signal d’une réaction complète dans l’histoire religieuse de Jérusalem. Le parti des prophètes, dont Isaïe avait été le chef, tomba dans une complète disgrâce. Toute coterie piétiste, quand elle est au pouvoir, amène des froissemens ; puis elle en supporte le contrecoup. Sous les longs règnes de Manassès et d’Amou, même pendant la minorité de Josias, la tendance religieuse de l’école prophétique fut énergiquement refrénée. Il paraît qu’il y eut même des violences et que plusieurs saints personnages furent victimes de leur zèle, peut-être intempérant. Cela fit comme une interruption de soixante-quinze ans dans la vie religieuse d’Israël. Le prophétisme sembla se taire. La rage concentrée des exaltés s’exprima dans un grand

  1. Isaïe, II, 3, et Michée, IV, 3.
  2. Le code des lépreux est cité par le Deutéronome, XXIV, 8.
  3. Comp. Ps. CI.
  4. Qui est le juste ? C’est celui qui,.. etc.