Page:Revue des Deux Mondes - 1886 - tome 78.djvu/474

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

garder toute l’élasticité de son crédit et de ses finances. Le résultat est bien clair, il est toujours dans le budget : c’est que, depuis 1877, les dépenses ordinaires se sont accrues de plus de cinq cents millions. Nous ne parlons pas des emprunts réalisés ou prévus, qui monteront peut-être à neuf ou dix milliards, demandés au crédit en pleine paix. M. Henri Germain, dans un lumineux travail, prouvait récemment qu’en une dizaine d’années d’administration républicaine on avait dépensé quelque chose comme près de cinq milliards de plus que ce qu’on avait reçu. C’est la démonstration du déficit ! c’est aussi la moralité de cette instructive discussion du budget qui occupe depuis quelques jours la chambre des députés et qui est certes de nature à édifier la France sur ses propres affaires.

Au fond, on n’en doute pas ; le mal est trop évident. Sans parler des dépenses extraordinaires qui pourraient être suspendues, le budget ordinaire ne se suffit plus avec ses ressources : l’équilibre est rompu ! Comment remédiera-t-on à ce triste déficit qui est entré dans nos finances ? C’est la plus sérieuse ou plutôt l’unique question aujourd’hui. Sans doute M. le ministre des finances a ses expédiens, sa surtaxe sur les alcools, sa suppression du budget extraordinaire. La commission du budget a, elle aussi, ses expédiens ; elle a cherché, par tous les moyens, à pallier plutôt qu’à combler le déficit, et après avoir tout épuisé, ayant encore un vide à remplir, elle a imaginé l’impôt sur le revenu ! Malheureusement ce n’est qu’un mot destiné à chatouiller les passions démocratiques. À la rigueur, dans une réforme complète du système fiscal de la France, qui ne serait pas déjà aussi facile qu’on le croit, on pourrait examiner l’opportunité de substituer à une foule de taxes existantes l’impôt sur le revenu. Dans les conditions où la commission le présente, ce n’est qu’un impôt de plus ajouté aux autres impôts qui frappent déjà tous les revenus. Ce n’est pas une solution, ce n’est pas même un expédient à demi efficace. En attendant qu’on ait trouvé le grand moyen, ce qu’il y aurait peut-être de mieux en vérité serait de commencer par le commencement, de se mettre tout simplement à de sérieuses économies, à une revision attentive de toutes ces dépenses qui ont si démesurément augmenté depuis dix ans. Il y a sans doute de ces dépenses dont l’augmentation est toute simple et s’explique par les circonstances, par le mouvement naturel des choses, par le développement de certains services. Il en est beaucoup d’autres qui sont entrées dans le budget sans raison, sans nécessité, par des calculs de parti ou par une prodigalité de financiers improvisés, et nul doute que, sur les cinq cents millions qui ont grossi le budget depuis dix ans, on ne pût réaliser l’économie d’une somme respectable sans que les services publics dussent en souffrir. Il est à croire qu’avec un peu d’attention et de bonne volonté la commission trouverait quelque chose de mieux que de retrancher trois