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couverte de signatures. Puis on procéda à l’organisation militaire. On forma des compagnies de cent hommes chacune; ils devaient s’armer et s’équiper à leurs frais, désigner leurs chefs et se tenir prêts à marcher à toute réquisition. Dès le surlendemain, le local occupé par le comité était gardé par cinq cents hommes résolus qui protégeaient ses délibérations, la prison était cernée pour prévenir toute évasion, et les points principaux de la ville étaient gardés par des détachemens relevés régulièrement. Les affaires suspendues, les magasins fermés, l’appareil militaire déployé dans les rues, donnaient à San-Francisco l’aspect d’une ville en état de siège.

Le meurtre avait été commis le mercredi. Le dimanche suivant, sur un ordre du comité de vigilance, 2,400 hommes armés de carabines défilaient en silence dans les rues de la ville, se rendant aux postes qui leur avaient été assignés, investissant l’hôtel de ville, où siégeaient les autorités municipales. A dix heures, une compagnie d’artillerie mettait ses pièces en batterie devant la porte de la prison, et deux des chefs du comité, se détachant des rangs, sommaient le shérif Scannel de remettre entre leurs mains James Casey. Les mesures avaient été si bien prises que toute résistance était impossible. Casey supplia qu’on lui donnât dix minutes pour se préparer à mourir. On lui répondit qu’il aurait toute facilité pour présenter sa défense, et on l’emmena au quartier-général. En même temps que lui, on y conduisit Charles Cora, coupable d’avoir assassiné le marshal des États-Unis, Richardson, au moment où celui-ci l’arrêtait pour vol. Tous deux, jugés et condamnés, furent prévenus que leur exécution aurait lieu le surlendemain, à la suite des funérailles de King.

Au jour dit, la ville entière était pavoisée de drapeaux noirs. Les chefs du comité de vigilance, escortés de quarante compagnies en armes, suivirent le char funèbre, que précédaient Casey et Cora. On les pendit de chaque côté de la porte du cimetière et la foule défila entre leurs deux cadavres. Puis les arrestations commencèrent ; traqués par le comité, qui interceptait les communications avec le port et faisait surveiller les routes, la plupart des coupables tombèrent entre ses mains. L’un d’eux, Sullivan, boxeur de profession, assassin et voleur, longtemps la terreur de la ville, se suicida pour échapper au châtiment qui l’attendait. D’autres furent exécuta : ceux qui n’étaient coupables que de fraudes ou malversations furent mis sous bonne garde à bord de navires en partance et condamnés au bannissement. Maître de la ville, le comité de vigilance y rendait seul des arrêts promptement exécutés.

Mais les autorités constituées n’entendaient pas se laisser déposséder