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son nom à ceux déposés pour ses concurrens. Ce qu’on ignorait, et ce que William King révélait, c’est que James Casey avait subi plusieurs années d’emprisonnement à New-York. Le fait était exact. A San-Francisco même, Casey n’avait, en mainte occasion, échappé à la justice que par son audace à la braver. L’article de King avait paru à trois heures de l’après-midi ; à cinq heures, Casey le tuait, au coin des rues Washington et Montgomery, à coups de revolver.

Cet assassinat en pleine rue, dans le quartier le plus fréquenté de la ville, d’un homme que l’on entourait d’estime, dont on applaudissait le courage, et qui passait aux yeux de beaucoup pour le représentant des droits et le défenseur des intérêts de la ville, souleva une explosion de colère, et si Casey ne fut pas écharpé sur place, il le dut à ses partisans, qui, symptôme significatif des temps, s’empressèrent, sur sa demande, de le mettre à l’abri de la vindicte publique en le conduisant à la prison de la ville. Le geôlier était de leurs amis, les employés à leur discrétion, les juges leurs appuis. En prison, il se sentait en quelque sorte chez lui, en tout cas, entouré de gens sûrs, intéressés à le protéger en attendant de le mettre en liberté.

La population ne s’y trompait pas, mais cette fois elle entendait que justice se fît. La mesure était comble. Toute la soirée, une foule irritée stationna dans la rue Montgomery, attendant un mot d’ordre. Il vint; à neuf heures le bruit se répandit qu’un meeting était convoqué dans le magasin d’un des négocians, Cunningham, à l’effet de prendre des mesures énergiques. Tout le monde s’y rendit. On décida la réorganisation du comité de vigilance, et W. F. Coleman, qui avait présidé celui de 1851, fut invité à prendre la direction du mouvement.

Les circonstances n’étaient plus les mêmes. On se trouvait cette fois en présence d’autorités régulières détenant tous les pouvoirs légaux, disposant de la police, pouvant faire appel aux troupes fédérales et ayant en main tous les rouages de l’administration. Les risques à courir étaient grands ; pour y faire face il fallait pouvoir compter sur des forces nombreuses et d’importantes ressources financières. Les chefs du mouvement jouaient leur fortune et leur tête. Ils n’hésitèrent cependant pas et prirent avec une rare énergie les mesures nécessaires. Séance tenante, on rédigea une formule de serment par laquelle on s’engageait à se tenir tous pour solidaires les uns des autres et à ne déposer les armes qu’après avoir mené à bien la tâche entreprise. Chacun s’inscrivit en outre pour une forte somme. On décida enfin d’ouvrir une liste d’adhérens, qui fut promptement