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supposé plus rationnel à un système d’impôts anciens auxquels la population est habituée. La révolution française, qui a voulu le faire, n’a abouti qu’à une double banqueroute. L’habitude est pour beaucoup dans la résignation à supporter les impôts : si on voulait transformer brusquement et totalement le régime fiscal tunisien, on s’exposerait à ces deux inconvéniens graves : mettre le trésor à sec et mécontenter les indigènes, dont on troublerait les usages : les impôts nouveaux, même rationnels, provoquent toujours du mécontentement et parfois des insurrections. Aucun gouvernement sérieux ne courra une aussi périlleuse aventure.

On doit donc procéder graduellement. Les colons se plaignent surtout des droits d’exportation et des droits sur les huiles. La Tunisie, comme tous les états musulmans et, d’ailleurs, comme beaucoup de pays neufs, tels que la République Argentine, le Brésil, demande une partie de ses ressources à des droits d’exportation. Les droits à l’exportation figurent pour 2,300,000 piastres, soit 1,400,000 francs, au budget des recettes de l’année 1886-87. Étant donnée la situation du budget tunisien et pourvu qu’elle se maintienne, il semble qu’on pourrait les supprimer, non pas d’un coup, mais en trois ou quatre années. Les droits sur les oliviers et les dattiers représentent 2,800,000 piastres au budget de prévision, soit 1,700,000 francs environ : on pourrait les réduire aussi de moitié dans un même laps de temps ; ce serait ensemble un sacrifice de 2 millions de francs environ échelonné sur trois ou quatre années ; il semble que cela ne doive pas dépasser les forces du budget tunisien ; mais on ne saurait, sans imprudence, lui demander davantage.

Il est un point sur lequel nous approuverons sans restriction les doléances de la chambre de commerce de Tunis, c’est quand elle sollicite l’assimilation à l’entrée en France des produits tunisiens aux produits algériens, c’est-à-dire la franchise de droits. Le conseil général des Bouches-du-Rhône a dans sa dernière session émis un vœu dans le même sens. Sur ce point, il faut donner aux colons une satisfaction complète et prompte ; tout l’avenir de la colonisation en dépend. Croirait-on que les produits tunisiens sont traités en France comme étrangers et frappés de droits qui sont parfois doubles ou triples de ceux qui grèvent les produits italiens, espagnols ou allemands ? On doit modifier radicalement ce système ou renoncer à toutes les perspectives d’une colonisation fructueuse. Ce n’est pas une réduction de droits, c’est la franchise absolue de droits sur les produits tunisiens qui constituera la seule solution heureuse. L’obstacle, ce sont les traités de commerce qui nous lient à différens pays et qui contiennent la clause de la nation la