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sont nombreuses dans le pays, nous étaient aussi d’un certain secours pour la propagation de notre langue. L’administration publique, à côté de toutes ces fondations privées, a fait son devoir. Sans aucune idée de rivalité sectaire ou haineuse comme en France, simplement inspirée par le sentiment du rôle élevé qui lui incombe, elle a su tirer un excellent parti des institutions existantes et en fonder beaucoup d’autres nouvelles. Une grande institution indigène, le collège Sadiki, qui compte environ deux cents élèves musulmans, a été réformé dans un sens français et scientifique. On a créé une école normale, ou collège Allaoui, dans lequel on forme des professeurs indigènes. J’ai visité ces établissemens, j’ai lu les compositions françaises faites par déjeunes Arabes et j’ai été émerveillé de leur correction relative. Les hautes classes et les classes moyennes de la société indigène se précipitent vers l’instruction française. Outre Tunis, des écoles où l’on enseigne notre langue sont ouvertes à La Goulette, au Khef, à Sousse, à Mehdia, à Monastir, à Sfax, à Djerbah, et l’on en crée sans cesse de nouvelles. On calcule que, dès à présent, six mille indigènes environ apprennent le français. Quand on songe que le budget algérien ne contient encore aujourd’hui qu’un crédit d’une cinquantaine de mille francs pour l’instruction parmi les musulmans, on se dit que, dans quinze ou vingt ans d’ici, on comptera beaucoup plus d’Arabes parlant le français dans notre jeune possession tunisienne que chez sa sœur aînée l’Algérie. Qu’on ne l’oublie pas, ce qui scelle la supériorité d’un peuple sur un autre, le cachet qui marque la soumission définitive, c’est la langue du vainqueur adoptée par le vaincu. Il serait injuste ici de ne pas nommer le directeur de l’instruction en Tunisie, M. Machuel, et de ne pas associer aux éloges qu’il mérite, ainsi que ses collaborateurs, la société de l’Alliance française.

Les travaux publics en Tunisie n’ont pas été jusqu’ici très importans : cependant l’on s’en occupe. Le chemin de fer de la Medjerda, qui, de la frontière algérienne, va jusqu’à Tunis et comprend, en outre, le petit tronçon de Tunis à Hamman-el-Lif, avait précédé notre occupation; il jouit d’une garantie d’intérêt du gouvernement français et est exploité par la compagnie de Bône à Guelma. Le petit chemin de fer de Tunis à La Goulette est resté italien, ce qui est une anomalie; un jour ou l’autre, on devra le racheter, mais cela ne presse pas. Quand nous aurons nommé le chemin de fer Decauville de Sousse à Khérouan, fonctionnant irrégulièrement trois ou quatre fois par mois, puis les voies ferrées que doivent livrer au public les compagnies concessionnaires des mines de Tabarka et de terrains à alfa, en y ajoutant les 10 ou 12 kilomètres de la voie de raccordement de Béja gare à Béja ville, nous aurons épuisé tout le réseau ferré