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Développer avec nos capitaux et nos forces morales et intellectuelles, à l’avantage des Tunisiens et de la France, les richesses du pays, c’était là tout notre programme. Il fallait plus d’un jour pour le remplir ; l’on s’y mit avec entrain. Nombre de Français accoururent à Tunis ; la plupart, comme toujours en pareil cas, étaient avides de rapides fortunes : on se précipita sur les terrains urbains, non-seulement dans la capitale, mais à Bizerte et un peu tout le long de la côte. En général, ces sortes de spéculations n’ont pas le prompt succès qu’on en attend. Ceux qui connaissent l’histoire de la colonisation se rappellent l’éclatant désastre de la compagnie de l’Australie du sud et des sociétés ou des particuliers qui, en 1839, avaient soudainement plus que centuplé le prix des terrains à Adélaïde. On est revenu, depuis lors, de cette fièvre enfantine : Adélaïde est une ville florissante de plus de 100,000 habitans, et l’Australie méridionale tient le premier rang, pour l’agriculture proprement dite, entre toutes les colonies australiennes. Si, même dans les pays tout à fait neufs, les spéculateurs en terrains éprouvent souvent des déceptions de ce genre, il est naturel qu’elles soient plus fréquentes dans de vieux pays que l’on veut ranimer et rajeunir. Le sang nouveau qu’on leur transfuse goutte à goutte n’agit qu’à la longue sur l’organisme, et une ville ancienne de plus de 100,000 habitans, comme Tunis, ou de petites villes provinciales, comme Bizerte et Sousse, ne se doublent pas en quelques mois ni même en quatre ou cinq ans. Les acheteurs de terrains urbains sont, à l’heure actuelle, un certain nombre du moins, parmi les mécontens de la régence : ils ont tort, car l’avenir, pour peu qu’ils aient de la patience, pourra, sans réaliser leurs premiers rêves, rendre passables ou bonnes certaines de leurs spéculations.

Il est plus sérieux de créer des établissemens industriels que d’acheter, dans la banlieue des villes, des lots de terre dont on attend une plus-value. La Tunisie possède des mines et offre de grandes étendues d’alfas : ces dernières ont, sur leurs rivales d’Algérie, l’avantage d’être plus près de la mer. Quelques capitalistes se sont occupés d’exploitations de ce genre dans notre nouvelle possession. La célèbre compagnie de Mokta-el-Hadid a obtenu la concession des mines de fer de Tabarka, qui, situées sur la frontière de la province de Constantine, sont assez voisines des splendides gisemens qu’elle exploite depuis une vingtaine d’années. Elle s’est engagée à construire un petit chemin de fer local qu’elle ouvrira au public. A l’autre extrémité, dans le sud, une compagnie anglaise, qui jouit d’une concession d’alfa, a accepté aussi l’obligation de livrer à la circulation une petite voie ferrée. Ce sont des modes peu coûteux