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généralement assez dédaigneuse pour la liberté individuelle et même pour l’égalité civile, où il ne veut voir du moins qu’un acheminement vers l’égalité des conditions ; c’est un philanthrope, car il a un cœur, à ce point qu’il a conçu la généreuse ambition de faire disparaître ou à peu près le mal de la terre et d’imposer la fraternité en la rendant obligatoire ; il vise enfin au rôle de dictateur tout-puissant, qui force toutes les têtes à se courber, abaissant les superbes et relevant les humbles. C’est là, dans son expression extrême, « l’impôt démocratique ; » le nôtre n’en est que le pseudonyme.

M. Léon Say a pensé que c’était le moment d’examiner ces théories de plus près encore qu’on ne l’a fait, et de consacrer une étude étendue aux « solutions démocratiques » de la question des impôts. On doit lui en savoir gré. C’est un excellent exemple qu’un tel emploi de ses loisirs de la part d’un homme qui a occupé les plus hautes fonctions de l’état. Aucun sujet n’était d’ailleurs mieux approprié à ses travaux antérieurs. Par ses études, conformes au nom qu’il porte, M. Léon Say était au courant de toutes les théories, qu’il juge avec la plus ingénieuse sagacité, et, par l’expérience acquise dans les affaires publiques et le gouvernement des finances, il était à même de porter, dans ces matières si sujettes à erreurs et à illusions, les justes appréciations de l’esprit pratique. On doit lui savoir gré aussi d’avoir donné d’abord aux études qu’il publie la forme de l’enseignement, qui est un moyen d’action et de propagande ayant sa vertu propre. Une pareille épreuve est toujours délicate à affronter, surtout quand on s’y met les années de la jeunesse passées. Les talens de l’orateur ne sont pas sûrement une garantie de succès, la tribune n’étant pas nécessairement la meilleure préparation aux qualités qu’exige la chaire. N’est pas. en un mot, si modeste que soit la chose, professeur qui veut. Je m’en fie à l’auditoire pour m’apprendre si le professeur improvisé a mis dans ses conférences cette jeunesse de l’esprit et de l’accent, qui est aussi une séduction dans ces sévères sujets, où les pressans intérêts de la vérité et de la patrie sont en jeu. Il n’est pas mal de faire sentir à ces jeunes hommes de l’Ecole des sciences politiques, que tout n’est pas dans l’avantage pratique que procurent des notions exactes, utiles pour les diverses carrières qu’ils ont à parcourir. Il est bon qu’ils éprouvent le noble attrait de hautes théories discutées avec autant de chaleur communicative que de lumineuse précision. Ajoutons qu’il est résulté de ces entretiens un livre, bien lié dans ses différentes parties, et où l’unité de sujet n’est pas perdue de vue. Ce qui vaut mieux que des éloges pour apprécier ce qu’il y a là de valeur solide et d’à-propos