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se reportait au temps où le conseiller du roi Guillaume ne manifestait qu’une crainte, celle de se trouver en conflit avec nous ; qu’un désir, celui de nous complaire. La paix avec la France lui apparaissait alors comme une nécessité de premier ordre, comme le complément de sa tâche. « En serait-il arrivé, disait M. Benedetti, à croire que la guerre est devenue inévitable et jugerait-il nécessaire de semer les difficultés sous nos pas? Cette politique lui est-elle conseillée par les informations qui lui arrivent de Vienne et de Paris? Sont-ce nos armemens et l’entrevue de Salzbourg qui le déterminent à compliquer les affaires italiennes? Ce que je constate, c’est que M. de Bismarck préfère aujourd’hui se ménager d’autres amitiés que la nôtre et qu’il ne craint pas de nous déplaire en entravant la solution de la question romaine[1]. »


II. — LES INVITATIONS AUX COURS ALLEMANDES.

M. de Moustier allait aggraver encore la tâche de la diplomatie française en conviant à la conférence non-seulement les états allemands du midi, la Bavière, le Wurtemberg et le grand-duché de Bade, mais aussi la Saxe et la Hesse grand-ducale, qui faisaient partie de la Confédération du nord. Notre ministre des affaires étrangères semblait protester contre l’absorption de l’Allemagne par la Prusse et ne pas admettre que les états placés sous son hégémonie immédiate eussent perdu les prérogatives d’une souveraineté indépendante. Ce n’était pas son intention assurément. Il s’appuyait, en invitant la Saxe et la Hesse, sur des précédens diplomatiques, et il ne croyait pas manquer à ses devoirs internationaux en ne s’adressant pas à la Confédération du nord, qui n’était pas encore officiellement reconnue. Il n’en commettait pas moins une faute en subordonnant à des questions de protocole ses bons rapports avec la Prusse, dont il sollicitait le concours. Le cabinet de Berlin ne devait pas manquer de relever notre procédure avec les emportemens auxquels il ne cède que trop volontiers dès qu’on porte la plus légère atteinte à ses susceptibilités, toujours en fermentation.

La presse prussienne se plut à considérer nos invitations aux cours allemandes comme une offense faite à la constitution qui confiait à la présidence fédérale, exclusivement, la direction des rapports diplomatiques avec les puissances étrangères. « Le cabinet des Tuileries, disait la Gazette nationale, a semblé complètement ignorer qu’il existait une Confédération du nord. Jamais ni la Saxe, ni la Hesse n’ont été représentées à aucune conférence européenne. A celle de Londres, en 1866, lors des affaires danoises. M. de Beust représentait la diète à

  1. M. Benedetti, Ma Mission en Prusse; Plon, 1871.