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cond acte qui n’allait pas tarder à se jouer en pleine séance au Palais-Bourbon.

Cette fois ce n’était plus M. le ministre des Gnances qui se trouvait en cause, c’est à M. le ministre de l’intérieur, c’est aussi à M. le garde des sceaux, et en définitive au gouvernement tout entier, qu’on a fait la plus étrange querelle. De quoi s’agissait-il donc ? Une grève a éclaté il y a quelque temps à Vierzon, parmi les ouvriers d’une compagnie qui s’occupe de la fabrication d’instrumens agricoles. Cette grève n’a point eu sans doute, les douloureux caractères de celle qui a si cruellement sévi à Decazeville au courant du dernier hiver ; elle a eu cependant sa gravité, elle a eu aussi ses incidens, et le moment est venu où la paix publique aurait pu être troublée ; elle a été après tout assez sérieusement menacée un jour ou deux. Un certain nombre d’ouvriers, fatigués de suivre des mots d’ordre, ont voulu reprendre leur travail, les grévistes les plus obstinés ont voulu les en empêcher, et les rixes violentes, les conflits de rues ont commencé, au point de nécessiter une intervention de la force publique, des autorités administratives et judiciaires. Un conseiller général, des conseillers municipaux socialistes, invoquant leur privilège d’élus du peuple, se sont mêlés à ces agitations, et ils se sont exposés à être pris avec quelques autres vulgaires perturbateurs ; ils ont été tout simplement conduits en prison à Bourges, jugés et condamnés comme d’autres, et même provisoirement privés, par suite de la condamnation qui les a frappés, de leurs droits civiques, dont ils n’avaient pas fait, d’ailleurs, un bien digne usage, Dans tout cela, qu’a fait le gouvernement ? Il s’est borné à maintenir l’ordre avec une modération poussée jusqu’à la longanimité, à garantir strictement la liberté des ouvriers qui voulaient travailler et à laisser la justice poursuivre son œuvre de répression légale contre tous ceux qui ont troublé l’ordre à Vierzon. Malheureusement c’est là ce que les radicaux ne peuvent arriver à comprendre. Pour eux les vrais perturbateurs ce sont les gendarmes, seuls auteurs de tous les désordres ! Les révoltés, ce sont les ouvriers qui veulent travailler, qui prétendent ne pas se soumettre aux organisateurs de grèves ! Les coupables, ce ne sont pas les conseillers généraux ou municipaux, qui abusent de leur titre en encourageant la sédition, ce sont les juges qui les condamnent ! C’est là, en définitive, le sens et le résumé d’une interpellation que M. Henry Maret, un esprit distingué peu fait pour ces médiocres besognes, a cru devoir adresser au ministère, qu’un autre député radical, M. Millerand, a envenimée par ses violens commentaires, et que M. Basly a assaisonnée de ses banalités démagogiques et socialistes.

On n’y mettait pas de mauvaise volonté ! Ce qu’on demandait à M. le ministre de l’intérieur et à M. le garde des sceaux, c’était tout simplement de déshonorer la répression par un désaveu, d’amnistier au plus vite les condamnés du Vierzon et de flétrir les juges, de livrer les gen-