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ou dans leur langage extérieur n’ont à l’école que le droit de ne pas se prononcer sur son existence et le devoir de s’interdire des négations qui seraient une offense à la conscience de la plupart de leurs élèves.

Le principe est le même pour tous les degrés d’enseignement. L’application est aussi la même. A L’école primaire comme au lycée et à la faculté, le spiritualisme domine. Il inspire presque tous les manuels, depuis ceux de MM. Compayré et Steeg, qui ont été l’objet de si vives et si injustes attaques, jusqu’à ceux de MM. Mézières et Baudrillart, qui ne laissent aucun prétexte aux procès de tendance des esprits les plus prévenus[1]. S’il est absent de certains manuels, il n’est nié ou combattu dans aucun de ceux qui sont reçus dans les écoles, où, quoi qu’on en ait dit, le manuel athée de M. Monteil n’a jamais eu droit de cité. Le spiritualisme inspire également la plupart des livres qui ont été écrits pour former les maîtres eux-mêmes. Il a sa place dans le Dictionnaire de pédagogie, publié par M. Buisson, directeur de l’enseignement primaire au ministère de l’instruction publique. Une des dernières livraisons contient, au mot : Prière, des considérations élevées et pratiques sur les devoirs envers Dieu, entendus et enseignés dans un esprit tout philosophique. M. Vessiot, inspecteur de l’académie de Paris (je cite de préférence les écrivains qui ont un caractère officiel), a écrit sur l’Éducation à l’école un beau livre conçu dans le même esprit. Il y constate, non sans quelque regret, l’affaiblissement de la foi religieuse et il voit, dans cet affaiblissement un motif de plus pour donner à l’école primaire un enseignement moral indépendant des dogmes religieux ; mais il veut que cet enseignement soit profondément spiritualiste. L’alliance du matérialisme et des idées républicaines ou libérales lui paraît contre nature : « Il semble que le spiritualisme ait été enveloppé dans le discrédit des formes politiques sous lesquelles il a vécu ou grandi et qu’il a incontestablement contribué à détruire; car c’est au nom de la dignité humaine et, par conséquent de la liberté morale qui en est le principe, que s’est commencée et que s’est poursuivie pendant tant de siècles la lutte de la raison contre les tyrannies de tout genre. Il paraissait donc naturel que la victoire profitât à qui l’avait remportée, que le spiritualisme puisât de nouvelles forces et une vertu nouvelle dans le triomphe de la liberté politique et que l’affaiblissement et la défaite de ses adversaires lui donnât plus de puissance et de vitalité. C’est à lui que revenait l’héritage

  1. Le manuel de M. Mézières vient cependant d’être dénoncé au sénat comme un livre dangereux pour la foi et pour les mœurs, mais personne n’a pu prendre au sérieux les imputations de M. de Gavardie.