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et dans l’enseignement secondaire des jeunes filles, la philosophie y reçoit des développemens suffisans[1]. Les programmes, pour ces deux enseignemens, sont rédigés dans un excellent esprit et ils ont su, dans une sage mesure, rattacher à la morale toutes les questions de philosophie générale auxquelles il convient d’initier une intelligence cultivée.


VII.

L’introduction d’un enseignement philosophique à l’école primaire est une nouveauté qui a soulevé les plus violentes polémiques. Cette nouveauté a eu le malheur de se produire en même temps qu’une politique anticléricale, qui a été trop souvent une politique antireligieuse et qui a justement offensé ou alarmé des consciences chrétiennes. Elle en est, au fond, entièrement indépendante. Un enseignement philosophique n’aurait pas été moins à sa place dans les écoles publiques, et les conditions légitimes d’un tel enseignement n’y auraient pas été changées, alors même qu’elles auraient conservé leur personnel congréganiste et la récitation du catéchisme. L’état moderne, si respectueux qu’il soit et qu’il doive être de la foi religieuse, ne relève de cette foi en aucun point de ses institutions, en aucun acte de sa politique. Il peut, dans ses écoles, par égard pour les habitudes et pour les vœux des familles, faire une part à l’enseignement religieux proprement dit et aux influences religieuses ; mais le seul enseignement qui engage directement sa responsabilité est tout rationnel, c’est-à-dire tout philosophique. Il ne peut faire appel qu’à des principes philosophiques pour former le futur citoyen. Or, dans un pays où le droit de suffrage est universel, les plus pauvres, les plus humbles ne peuvent se passer d’une culture civique. Que l’état laisse, pour cette culture comme pour les autres branches de l’éducation, la plus large liberté aux familles et aux instituteurs privés, c’est la doctrine libérale; c’est la seule doctrine que puissent avouer ceux qui n’acceptent pas l’omnipotence de l’état et qui redoutent son ingérence universelle. Qu’il s’agisse d’enseignement supérieur, d’enseignement secondaire ou d’enseignement primaire, la liberté est le droit commun. L’état offre son enseignement, il ne l’impose pas ; mais il a du moins le droit et le devoir de l’offrir sur la base même de ses institutions, et quand il prend en mains l’éducation du citoyen, à l’école primaire comme au collège ou à la faculté, il en fait, par la force des choses, une instruction philosophique.

  1. Une récente décision lui restitue même son nom de philosophie dans l’enseignent spécial, dont on voudrait faire, sur tous les points, le rival de l’enseignement classique.