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de tact sur les points où doit s’arrêter la légitime liberté du professeur. Ce sont surtout ces points si délicats que l’on voudrait soustraire aux examens, sous prétexte qu’ils sont plutôt « confessionnels » que proprement philosophiques. Ils touchent, en effet, à l’ordre confessionnel, mais c’est précisément parce qu’ils peuvent empiéter sur le domaine de la foi, qu’ils doivent entrer autant et plus peut-être que les autres dans l’examen professionnel, non pour y faire prévaloir telle doctrine déterminée, mais pour les renfermer dans les limites d’une exposition purement philosophique et, en même temps, entièrement respectueuse de tout ce qui appartient en propre au dogme religieux.

Ces examens préparatoires à l’enseignement de la philosophie ont pour objet direct les classes des lycées et des collèges, mais ils visent plus haut : ils sont une préparation indirecte au doctorat, qui ouvre l’entrée des facultés. De là un danger qui s’est manifesté surtout dans ces dernières années : la tentation, pour des professeurs qui se sentent ou qui se croient supérieurs à leur enseignement, de le transformer en l’élevant à la hauteur de l’enseignement des facultés. Je suis de ceux qui croient nécessaire de réagir contre cette tentation. La philosophie peut recevoir, dans l’enseignement supérieur, les plus larges développemens, parce qu’elle y est, pour les étudians, l’objet d’un libre choix ; mais, dans l’enseignement secondaire, où elle s’impose uniformément à tous les candidats au baccalauréat, elle doit s’abaisser au niveau de la moyenne des intelligences de dix-sept à dix-huit ans. Elle n’a pour but que de les éclairer sur les grandes questions de l’ordre moral, qui s’agitent dans notre temps comme dans les âges antérieurs. Elle doit développer en eux les qualités d’esprit qui sont nécessaires pour se faire une opinion libre et raisonnée sur ces questions. Elle doit, en même temps, les préparer à en poursuivre plus profondément l’étude, s’ils se sentent une vocation philosophique ; elle doit, en un mot, éveiller cette vocation dans quelques esprits bien doués, mais elle ne doit pas la préjuger.

M. Fouillée, loin de se plaindre que l’enseignement philosophique, dans les lycées et les collèges, ait pris trop d’extension, voudrait lui faire une place encore plus grande. Il le ferait commencer dès la classe de quatrième par des leçons de morale et le continuerait à travers toutes les autres classes par des leçons d’esthétique et de logique, pour lui consacrer, au terme des études, une classe entière, où la philosophie, dans ses principes et dans ses applications, recevrait de plus amples développemens. Il ne s’agit, d’ailleurs, dans cette série de leçons de philosophie, embrassant un cercle de cinq années, que des sujets qui intéressent l’éducation générale de l’homme et du citoyen. M. Fouillée y restreint la part des questions abstraites, qui n’ont d’intérêt que pour les purs philosophes. La