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médecin traitant adressent un rapport à l’autorité judiciaire, qui rend un verdict de réclusion définitive ou de libération immédiate. En fait, la Toscane ne pratique guère que ces placemens provisoires et ceux que précède une décision judiciaire deviennent très rares. Quant aux fous délinquans, on ne saurait les soumettre à la discipline des prisons, où ils sont des fermens de désordre, ni les mêler aux aliénés ordinaires ; c’est en quelque sorte imprimer au malheur de ceux-ci une marque d’infamie. Les manicomes et les prisons les repoussant également, la nécessité s’impose d’un asile spécial : à titre d’essai, on a affecté à cette destination l’établissement pénitentiaire d’Aversa. Un des plus curieux passages de l’exposé des motifs est celui qui traite de la demi-folie. « Dans le cas où l’altération mentale existerait déjà à l’époque de la sentence, il peut arriver qu’elle n’aura pas paru de nature à exclure toute pénalité. Cette semi-responsabilité est vivement combattue par les uns comme impossible, fortement affirmée par d’autres qui admettent l’existence d’un état intermédiaire entre le crime et la folie, dans lequel on ne peut déterminer le point où celle-ci finit et l’autre commence : si elle entraine une diminution du degré dans le châtiment, elle ne permet pas de sortir du cercle de la pénalité et de considérer le délinquant comme un simple malade. Et comme l’article 95 du code pénal soumet le demi-fou à la détention ou à la réclusion, le projet confie au gouvernement le soin de pourvoir à ce que « en leur appliquant ces peines, la répression et le traitement puissent avoir lieu en même temps. » Déjà le ministre a escompté la loi : une maison de détention pour adultes reçoit aujourd’hui les individus reconnus responsables par suite d’un vice partiel de l’esprit, présente une organisation différente des prisons ordinaires, fait au médecin une plus large part que dans celles-ci. C’est l’honneur de M. Depretis d’avoir osé poser ces questions si inquiétantes, dont on pourra dire longtemps, toujours peut-être, qu’elles sont le pourquoi de l’homme et le secret de Dieu, car nous faisons beaucoup de progrès dans les effets, bien peu dans les causes, et quel savant saura jamais sonder de tels abîmes, peser exactement ces âmes tronquées, qui flottent, incertaines, entre la démence et le crime, fascinées par ces redoutables aimans, pleines de ténèbres et mystérieusement inconscientes ?

L’Espagne, qui eut la gloire d’élever les premiers asiles d’aliénés, reste aujourd’hui presque stationnaire et se laisse devancer par les autres nations européennes. Les maisons de Valence, de Saragosse, de Séville, datent de 1409, 1425, 1436, et, à la fin du XVIIIe siècle, Pinel célébrait l’asile de Saragosse, ouvert aux aliénés de tous les pays, de tous les gouvernemens de tous les cultes, avec une