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dans le logique proprement dit, l’opération est consciente de soi et de ses raisons ; le mécanisme, au contraire, est de la logique qui ne se voit pas fonctionner. Nous ajouterons que, sous le logique comme sous le mécanique, il y a quelque chose de plus fondamental : l’appétit, avec ses émotions entraînant des mouvemens appropriés ; fuir la douleur et chercher le plaisir, voilà la logique primitive qui a précédé tous les raisonnemens et aussi, sans doute, tous les mécanismes.


IX

Non-seulement les instincts ne sont pas nés des mouvemens réflexes automatiques, comme le croient MM. Spencer, Huxley, Maudsley, Sergi, Ribot, Richet, etc. ; mais nous allons voir que ce sont les mouvemens réflexes, au contraire, qui sont nés de l’instinct ou de l’appétit. Les mouvemens réflexes sont les résidus d’un ensemble d’actions qui avait eu d’abord pour ressort un appétit accompagné d’une émotion plus ou moins confuse, comme la faim, la soif, la sensation de heurt, celle de chaleur ou de froid, etc. ; ces mouvemens automatiques sont les effets en quelque sorte refroidis de l’émotion ; ce sont des directions de l’appétit devenues stables et mécaniques. Voici, selon nous, comment cette conversion rétrograde a pu se produire.

Tout mouvement produit par l’appétit conscient, comme le recul de la jambe devant le feu, renferme trois termes : excitation sensitive, émotion et réaction motrice causée par le désir ou l’aversion. Obscurcissez de plus en plus l’élément de l’émotion, si bien qu’il ne reste dans la conscience qu’une perception sensitive très rapide suivie d’un mouvement très rapide : vous aurez des réflexes demi-consciens, à la fois psychologiques et physiologiques, comme la toux, l’éternuement, le clignement périodique des yeux. Là, pourtant, le sentiment agréable ou désagréable n’est pas encore complètement disparu : on sent bien pourquoi on tousse, pourquoi on éternue ; on sent moins pourquoi on cligne des yeux, à moins qu’on n’ait retenu volontairement la paupière immobile assez longtemps pour éprouver le picotement ou la fatigue. Faites maintenant un pas de plus. Supprimez ces restes de sentiment pénible, supprimez même de la conscience le premier temps du réflexe : excitation sensitive, et le troisième : désir ou aversion précédant le mouvement ; vous aurez alors le réflexe purement physiologique, sans élément psychique. Les mouvemens rythmiques de la respiration sont encore sur la limite des deux domaines : en y faisant la