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propriété, c’est que le propriétaire se plaise sur son domaine et qu’il lui rende en améliorations ou en embellissemens ce qu’il en retire en profits.

Si de l’Italie nous passons à la Gaule, et de l’époque de Trajan au Ve siècle, nous y trouvons encore de vastes et magnifiques villas. Sidoine Apollinaire fait un tableau assez net, malgré le vague habituel de son style, de la villa Octaviana, qui appartient à son ami Cousentius. » Elle offre aux regards des murs élevés et qui ont été construits suivant toutes les règles de la beauté architecturale. » Il s’y trouve u des portiques, des thermes d’une grandeur remarquable. » Remarquons-y aussi une chapelle ; elle remplaçait apparemment l’ancien sacrarium païen ; mais sans doute elle était plus grande, devant s’ouvrir, pour le culte chrétien, à un plus grand nombre de personnes. Une loi de 398 signale « comme un usage » que les grands propriétaires aient une église dans leur propriété. Nous retrouverons cela dans les siècles suivans. Sidoine Apollinaire décrit aussi la villa Avitacus. On y arrive par une large et longue avenue qui en forme comme « le vestibule. » On rencontre d’abord le balneum, c’est-à-dire un ensemble de constructions qui comprend des thermes, une piscine, un frigidarium et une salle de parfums ; c’est tout un grand bâtiment. En sortant de là, on entre dans la maison. L’appartement des femmes se présente d’abord ; il comprend une chambre de travail où se tisse la toile. Nous retrouverons ce gynecœum dans des villas du VIIe siècle. Sidoine nous conduit ensuite à travers de longs portiques, soutenus par des colonnes, et d’où la vue s’étend sur un beau lac. Puis vient une galerie fermée, où beaucoup de personnes peuvent se promener. Elle mène à trois salles à manger. De celles-ci on passe dans une grande salle de repos, diversorium, où l’on peut à son choix dormir, causer, jouer. L’écrivain ne prend pas la peine de décrire les chambres à coucher ni d’en indiquer même le nombre. Ce qu’il dit des villas de ses amis fait supposer que plusieurs étaient-plus brillantes que la sienne. Ces belles demeures, qui ont un moment couvert la Gaule, n’ont pas péri sans laisser bien des traces. On en trouve les vestiges dans toutes les parties du pays, depuis la Méditerranée jusqu’au Rhin et jusqu’au fond de la presqu’île de Bretagne.

Telle était, sur un grand domaine, la maison du propriétaire. Le nom dont on appelait cette demeure est significatif. Dans la langue usuelle de l’empire, la maison du maître est désignée par le mot prœtorium. Ce terme est déjà, avec cette signification, dans Suétone et dans Stace ; on le retrouve plusieurs fuis chez Ulpien et les jurisconsultes du Digeste ; il devient surtout fréquent chez les auteurs du IVe siècle, comme Palladius et Symmaque. Or ce mot, par