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quelques pas de là étaient les étables, qui autant que possible devaient être doubles ; il y avait celles de l’été et celles de l’hiver. A côté des étables étaient les petites chambres des bouviers et des bergers. On trouvait ensuite les granges pour le blé, le foin, la paille ; les celliers au vin ; les celliers à l’huile, les greniers pour les fruits. Une cuisine occupait un bâtiment spécial ; elle devait être haute de plafond et assez grande « pour servir de lieu de réunion en tout temps à la domesticité. » Non loin était le bain des esclaves ; ceux-ci n’avaient d’ailleurs le droit de s’y baigner « qu’aux jours fériés. » Le domaine avait naturellement son Jour et son pétrin, son pressoir pour le vin, son pressoir pour l’huile. Ajoutez-y, si le domaine était complet, une forge et un atelier de charronnage. Au milieu de tous ces bâtimens s’étendait une large cour ; les Romains l’appelaient chors ; nous la retrouverons au moyen âge avec le même nom légèrement altéré, curtis.

A quelque distance est la villa du maître. Elle est moins étendue, mais grande encore. Le propriétaire est ordinairement riche et il se plaît à bâtir. Horace qui, lui, n’est pas riche, s’excuse de la simplicité de sa maison, comme si c’était une chose exceptionnelle de n’avoir à la campagne « ni lambris d’or, ni incrustations d’ivoire, ni colonnes de marbre, ni rideaux de pourpre. » Varron remarque, non sans chagrin, que ses contemporains « accordent plus de soins à la villa urbaine qu’à la villa rustique. » Columelle donne des conseils sur ce que cette villa doit être, et il fait entendre par là ce qu’elle est le plus souvent. Elle renferme des appartemens d’été et des appartenions d’hiver ; car le maître l’habite ou peut l’habiter en toute saison. Elle a donc double salle à manger, et double série de chambres à coucher. Elle renferme de grandes salles de bains où toute une société peut se baigner à la fois. On y doit trouver aussi de longues galeries, plus grandes que nos salons, où les amis puissent se promener en causant. Pline le Jeune, qui possède une dizaine de beaux domaines, décrit deux de ces habitations. Tout ce qu’on peut imaginer de confortable et de luxueux s’y trouve réuni. Nous ne supposerons sans doute pas que toutes les maisons de campagne fussent semblables à celles de Pline ; mais il en existait de plus magnifiques encore que les siennes ; et, du haut en bas de l’échelle, toutes les maisons de campagne tendaient à se rapprocher du type qu’il décrit. Il imitait, et on l’imitait. La mode allait de ce côté. Le luxe des villas était, dans cette société de l’empire romain, la meilleure façon de jouir de la richesse, et aussi le moyen le plus louable d’en faire parade. Comme il n’y avait plus d’élections libres, l’argent qu’on ne dépensait plus à acheter les votes, on le dépensait à orner ses maisons. Ce qui peut d’ailleurs atténuer les inconvéniens d’un régime de grande