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un double revenu, d’une part les récoltes et les fruits de la portion réservée, de l’autre les redevances et rentes des tenanciers. Enfin, son régisseur ou son intendant, ordinairement un esclave, administrait et surveillait les deux portions également ; des tenures, il recevait les redevances ; sur la part réservée, il dirigeait les travaux.


X. — LE CHATEAU ET LA VIE DE CHATEAU.

Les constructions qui s’élevaient sur un grand domaine étaient naturellement de trois sortes. Il y avait celles qui étaient à l’usage du maître, celles où vivait en commun le groupe des esclaves, et enfin celles des tenanciers et de tous les cultivateurs vivant isolément. Au sujet de ces dernières nous savons fort peu de chose ; les écrivains anciens ne les ont jamais décrites. Horace désigne les habitations de ses petits fermiers par l’expression de foyers ; ce mot donne l’idée de demeures indépendantes qui sont plus que des huttes, mais qui peuvent être de fort modestes chaumières. Apulée nous représente un homme qui traverse un riche domaine ; avant d’arriver à la maison du propriétaire, cet homme rencontre un assez grand nombre de petites maisons, que l’auteur appelle casulœ et qui sont vraisemblablement les maisons des colons. Tantôt ces demeures étaient isolées les unes des autres, chacune étant placée sur le lot de terre que l’homme cultivait. Tantôt elles étaient groupées entre elles et formaient un petit hameau que la langue appelait vicus. Sur les domaines les plus grands on pouvait voir, ainsi que le dit Julius Frontin, une série de ces vici qui faisaient comme une ceinture autour de la villa du maître.

Cette villa se divisait toujours en deux parties nettement séparées, que la langue distinguait par les expressions villa urbana et villa rustica. La villa urbana, dans un domaine rural, était l’ensemble de constructions que le maître réservait pour lui, pour sa famille, pour sa domesticité personnelle. Les jardins et les parcs destinés à son agrément s’appelaient aussi pars urbana. Quant à la villa rustica, elle était l’ensemble des constructions destinées au logement des esclaves cultivateurs ; là se trouvaient aussi les animaux et tous les objets utiles à la culture. Columelle a décrit, mieux encore que Varron, cette villa rustique. Elle devait contenir un nombre suffisant de petites chambres, cellœ, à l’usage des esclaves « qui n’étaient pas attachés, » et ces chambres devaient être, autant que possible, « ouvertes au midi. » A l’usage des esclaves « qui étaient attachés, » il y avait l’ergastulum ; c’était le sous-sol, il devait être éclairé par des fenêtres assez nombreuses « pour que l’habitation fût saine, » mais assez étroites et assez élevées au-dessus du sol pour que les hommes ne pussent pas s’échapper. A