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L’équilibre continua, sinon à se maintenir, du moins à se traîner péniblement durant la première quinzaine d’octobre.

La chambre des députés, dépeuplée par les démissions et les retraites à petit bruit, menacée dans son autorité, voire même dans son existence, soit du dehors, soit dans son propre sein, demandait à grands cris des élections nouvelles qui lui rendissent un peu de courage et lui remissent un peu de sang nouveau dans les veines ; en attendant, elle demandait un peu de répit, chacun avait laissé son chez soi brusquement et voulait donner un coup d’œil aux affaires de sa famille et de son ménage. Pour donner quelque satisfaction à cet entraînement général, gouvernement et chambres, chacun se mit en quatre, chacun se prêta, si l’on ose ainsi parler, à mettre les morceaux doubles, à expédier, au pas de course, des projets et des résolutions qui n’auraient pas passé, dans d’autres circonstances, sans être criblés de discussions.

Je me contenterai de les indiquer : 1° loi qui défère au jury la connaissance des délits de la presse et des délits politiques (cette loi avait pris naissance dans le sein de la chambre des pairs) ; 2° loi sur l’importation des grains ; 3° loi sur les prêts au commerce et à l’industrie (30 millions) ; 4° loi provisoire sur les impôts indirects. — Exposé sur l’état des relations extérieures par M. Molé ; exposé sur l’état de l’armée par le maréchal Gérard ; rapport de M. Bérenger sur l’abolition de la peine de mort.

Ce rapport devint l’objet d’un débat court, substantiel : favorablement accueilli, ses conclusions aboutirent sur la proposition de M. Dupont (de l’Eure), adoptées à la presque unanimité, par une adresse au roi qui promettait tout sans rien compromettre. Le 10 octobre, après avoir reçu la réponse du roi, la chambre s’ajourna indéfiniment, le délai de la prorogation ne devant pas dépasser néanmoins le 10 du mois de novembre.

Cet intervalle fut consacré aux élections dans cinquante-cinq départemens, c’est-à-dire dans les deux tiers de la France. Les vacances s’élevaient au chiffre de cent trente-cinq, elles provenaient des démissions successives. Les élections furent partout calmes et régulières, les choix favorables non-seulement au gouvernement en général, mais à la majorité du ministère. C’eût été, pour nous, un bon renfort, mais les événemens ne nous permirent pas d’en profiter. Les événemens firent éclater au grand jour, non-seulement la division qui fermentait dans le sein du ministère, mais celle qui se préparait dans chaque ministère.

Je ne fus pas le dernier à m’en apercevoir. M. Benjamin Constant, ainsi que je l’ai dit, était président de la première, c’est-à-dire de la plus importante section du conseil d’état ; il ne nous avait