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choix, valent quantum, nous fut profitable sans trop faire mauvais effet.

Ce fut principalement sur les trois départemens qui m’étaient commis, le conseil d’état, l’instruction publique et les cultes, que pesèrent plus ou moins les exigences de la réaction, tant au dehors qu’au dedans de notre ministère.

J’ai raconté comment j’avais sauvé l’existence même du conseil d’état de l’orage qui grondait sur lui, dans la pensée du roi, et des griffes du garde des sceaux qui s’apprêtait à le dépecer au profit des tribunaux et des administrations électives. Dès le 13 août. M. Dupont était à l’œuvre, et Isembert, son metteur en œuvre, bon homme au fond, mais tête de bois, s’il en fut, avait chapitré le pauvre Hochet, secrétaire de ce conseil in extremis, et commençait à instrumenter.

J’y mis ordre sur-le-champ. Le 20 août, je soumis au roi un rapport court, mais clair et substantiel, où la nature de cette institution, en tant que ressort essentiel à l’établissement monarchique, la nécessité dans les circonstances présentes d’en déclarer le maintien, l’urgence de lui rendre immédiatement vie et action, étaient établis en termes catégoriques. Ce rapport, revêtu de l’approbation royale, fut inséré in extenso dans le Moniteur. Je fis le même jour signer au roi l’ordonnance qui remettait sur pied l’ancien conseil d’état, remodelé sur un plan nouveau dans ses attributions, et révisé très sévèrement dans son personnel.

Je n’en étais venu là ni d’un seul coup ni sans des luttes très vives. Tout conseil d’état étant, au vrai, le quartier-général du gouvernement dont il fait partie, l’élite de sa milice, le dépositaire de ses traditions, le confident de ses secrets, en un mot l’âme de sa politique, quand ce gouvernement vient à tomber, naturellement son conseil d’état devrait s’empresser de faire maison nette : ce devrait être affaire de principe et de point d’honneur. Mais il n’en va pas toujours ainsi, et les exemples ne sont pas rares de ces serviteurs zélés qui ne répugnent pas trop à faire, tout en grommelant, un nouveau bail avec le nouvel occupant. Ce fut le cas cette fois. Sur quarante-cinq conseillers en titre d’office, deux seulement, M. de Tournon et M. Delamalle, donnèrent leur démission. Sur trente-deux maîtres des requêtes, trois seulement, MM. de Mugent, Cormenin et Prévost, en firent autant. Je ne parle point de ceux qui, n’étant pas titulaires, n’avaient entrée au conseil qu’en raison des fonctions dont ils étaient pourvus.

Or, comme un certain nombre de ces personnages de bonne volonté, sans être pour cela bénévoles, s’étaient trouvés engagés jusqu’à la garde dans la politique active, plusieurs même compromis dans la préparation des fatales ordonnances, il était clair qu’une