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Les premières séances des deux chambres eurent, tout compte fait, plus d’intérêt que d’importance. Jusqu’à quel point l’inévitable obligation du serment éclaircirait-elle les rangs dans l’une et dans l’autre, ce fut la première question, question de personnes assaisonnée d’hésitations, d’explications, de rétractations, de regrets, qui naturellement prêtait à jaser, et dont l’oubli, quels que fussent les noms propres, fit bientôt justice en ne laissant de trace que dans la mémoire des acteurs.

La chambre des pairs, mutilée qu’elle était par la charte nouvelle, ne comptait que quatre-vingt-trois membres à l’entrée de la session ; c’était quelque chose, même beaucoup, vu sa composition originaire et son épuration récente. Le nombre grossit peu à peu, par des arrivées successives et des retours imprévus.

Ce fut le contraire dans l’autre chambre ; au début, huit députés seulement donnèrent leur démission ; mais, dans les quelques jours qui suivirent, quarante ou cinquante autres se ravisèrent et suivirent leur exemple. L’incertitude, sur un point aussi délicat, ne pouvait être tolérée. Elle était également contraire à la dignité de toutes les parties intéressées : gouvernement, pairs et députés. On convint bientôt (19 et 23 août), non sans quelque peu de grimaces, qu’un délai de quinze jours serait assigné aux députés, et d’un mois aux membres de la chambre des pairs, pour prendre parti, faute de quoi ils seraient réputés démissionnaires. A l’égard des derniers, la déchéance était personnelle.

Mais venait alors la nécessité de pourvoir au remplacement des députés démissionnaires. Comment y devait-on procéder ? d’après quels principes ? suivant quelle loi ? « Une question grave se présente, disait M. Guizot à la chambre des députés le 14 août : d’importantes modifications à notre législation électorale sont annoncées ; elles ne pourraient être assez promptement accomplies pour que les élections aujourd’hui vacantes eussent lieu sous leur empire. Ces élections se trouvent nécessairement placées sous l’empire des lois, car les lois subsistent tant qu’elles ne sont pas formellement abrogées ou changées, et c’est un des plus impérieux besoins de la société que partout où ne vient pas frapper une nécessité absolue, irrésistible, sa vie légale continue sans interruption. Mais les lois électorales encore en vigueur contiennent un principe si fortement réprouvé par la conscience publique, et dont la prochaine abolition a été si hautement réclamée, qu’il y aurait une inconséquence choquante à en autoriser l’application : c’est le principe du double vote. Quoique leur prompte solution soit désirable, les autres questions peuvent et doivent être ajournées à la discussion générale et approfondie des lois annoncées. Le double vote n’est plus une