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ce qu’il prend à la thèse commune, il l’adapte à ses habitudes d’esprit. Dans un premier travail, publié en 1855, trois ans après le rétablissement de l’empire, il déclare nulle l’influence de Louis XIV, qui porte ainsi la peine du coup d’état. Vingt ans après, lorsqu’il reprend le même sujet, le second empire est tombé ; de là une détente notable dans les sentimens de l’écrivain. Il ne fait plus de la littérature d’allusion, ce qui est d’ordinaire une pauvre littérature, et, depuis son premier travail, il a étudié son sujet de très près. Rien de tel pour atténuer un parti-pris; cependant il lui reste toujours quelque chose du sien. Il ne voudrait pas reconnaître trop expressément qu’il fut heureux pour Molière de vivre sous Louis XIV et d’avoir accès à sa cour, mais il accorde que la protection du roi envers le poète fut « véritablement spontanée et méritoire; » et si, dans un livre d’ensemble sur le théâtre au temps de Louis XIV, il ne traite pas à fond un sujet, « qui, dit-il, par son importance, comme par les discussions de détail qu’il soulève, mériterait d’être traité à part, » il le débarrasse de certaines légendes dont le lieu-commun abusait beaucoup trop.

Entre les deux thèses se placent diverses appréciations plus équitables. C’est d’abord, dans l’Histoire de la littérature française de M. Nisard, un chapitre où l’influence de Louis XIV sur les écrivains de son temps, sur Molière en particulier, donne lieu à un éloquent plaidoyer; quelques argumens y sentent l’avocat, mais l’ensemble défie la contradiction. Plus tard, dans la grande édition de Molière poursuivie par M. Paul Mesnard, successeur impartial de Despois, de nombreuses discussions, inspirées par un bon sens très ferme, ne laissent dans l’ombre aucun côté de la question. Enfin, les lecteurs de la Revue n’ont pas oublié avec quelle netteté, à propos des dernières recherches sur la vie de Molière, la solution du problème était indiquée ici même. Si j’aborde ce sujet à mon tour, c’est pour fortifier par une discussion complète des conclusions qui me semblent acquises au débat, estimant, du reste, que l’on peut être de son temps, et parler de Louis XIV comme de Molière, sans autre souci que celui de la vérité.


I.

Critiques de droite ou de gauche, respectueux des hiérarchies consacrées ou désireux de les retourner, la plupart sont tombés dans une erreur trop commune : ils n’ont pas assez tenu compte de