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Il en est de même des affections gastro-intestinales. Les insolations sont plus à craindre. Quant au choléra, il est, on le sait, endémique dans l’extrême Orient, mais il y est moins redoutable pour les Européens que pour les Annamites, et, en dehors des conditions de guerre et d’épidémie, il fait peu de victimes dans nos rangs.

Il est impossible de déterminer d’après une statistique régulière le degré de salubrité du pays, mais les observations faites sur nos troupes, pendant l’occupation, fournissent quelques données à cet égard. Tant que celles de la marine y ont été seules engagées, elles n’ont jamais en plus de quarante malades sur 1,000 hommes d’effectif. Si l’armée a souffert davantage, cela tient à ce que ses régimens n’étaient pas habitués, comme les nôtres, à faire campagne sous les tropiques ; qu’ils n’étaient pas équipés pour cela ; qu’ils ont été forcés d’opérer dans la zone la plus insalubre du pays et qu’ils ont eu à subir une épidémie de choléra. Cette maladie a nécessairement fait de nombreuses victimes parmi ces jeunes soldats affaiblis par le climat et surmenés par des expéditions successives.

En résumé, lorsque nous aurons fait pour ce pays ce que nous avons fait pour la Cochinchine, il sera beaucoup plus agréable à habiter et beaucoup plus sain qu’elle ne l’est.

Les ressources du Tonkin sont considérables. Le delta est d’une fertilité sans égale et admirablement cultivé ; il rapporte deux récoltes de riz par an, et produit tout ce qui est nécessaire à l’entretien de la vie. Les montagnes renferment des mines dont on a peut-être exagéré la valeur, mais qui seront pourtant un jour susceptibles d’une exploitation fructueuse. Tout le pays est en plein rapport, et, comme il est extrêmement étendu, qu’il nourrit, d’après les documens officiels, une population de 9 à 10 millions d’habitans, il pourra devenir pour notre commerce une ressource précieuse ; seulement nous y trouverons la concurrence des Anglais et des Chinois. Ces derniers ne sont pas des adversaires bien redoutables sur le champ de bataille, mais ce sont des marchands incomparables. Partout où ils s’établissent, ils accaparent le commerce local. Sobres, économes, d’une finesse et d’une patience sans égale, ils ont sur les Européens, dans les pays de l’extrême Orient, une supériorité invincible. Ils sont là chez eux, ils ont les mœurs du pays, ils en parlent la langue ; ils vivent comme les-indigènes et à aussi peu de frais, tandis que les Européens, dépaysés, obligés de se servir d’interprètes, sont contraints pour vivre de dépenser en un jour ce qui suffirait à un Chinois pour subsister pendant un mois. L’Europe, du reste, aura dans l’avenir à compter avec la Chine sur un autre terrain que celui-là. Nous avons forcé le Céleste-Empire à nous ouvrir ses ports, nous le regretterons peut-être un jour, lorsqu’il prendra la route des nôtres et qu’il les