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Réunion sa prospérité des anciens jours, tout jusqu’à la conquête de Madagascar exclusivement.

Nos récentes acquisitions dans l’extrême Orient ont plus d’avenir que nos anciennes colonies. Cela tient à leur étendue considérable, à leur fertilité, à leur population nombreuse, active et civilisée. Ce sont des pays en plein rapport et, sans être d’une salubrité absolue, ils sont habitables dans les conditions où nous devons y résider.

La Cochinchine, qui a été si meurtrière pour nous au commencement de l’occupation, alors que nos soldats vivaient sous des paillottes et buvaient l’eau des arroyos, est devenue moins malsaine depuis qu’on a construit de belles casernes, qu’on a creusé des puits et des citernes. C’est toujours un pays dont le séjour fatigue les Européens et leur interdit toute activité physique ; mais ils s’y maintiennent dans un état de santé suffisant pour remplir leurs fonctions, et, à la condition de ne pas y passer plus de deux ans de suite, ils n’y subissent que des pertes supportables.

Le climat est énervant dans ces plaines d’alluvion arrosées par d’innombrables cours d’eau. La température est toujours élevée et presque invariable. La moyenne des cinq dernières années a été de 27° 45, et il n’y a pas 3 degrés de différence entre le mois le plus chaud et le mois le plus froid. Il n’y a pas de saison fraîche ; les variations diurnes sont insignifiantes, les nuits brûlantes et sans rosée. La saison sèche coïncide avec la mousson de nord-est ; la saison des pluies avec la mousson de sud-ouest. La première commence à la mi-octobre, la seconde débute en avril : ce sont des torrens qui tombent alors sur tout le pays et l’inondent pendant sept mois. Car les pluies continuent pendant la lutte qui s’établit aux deux changemens de moussons. Tant qu’elles durent, le temps est couvert, l’atmosphère lourde, accablante, chargée de vapeur d’eau et d’électricité.

En dépit de son climat débilitant, la Cochinchine est aujourd’hui la plus recherchée de nos colonies. La vie y est facile, les rapports avec les naturels agréables. C’est un pays de ressource, et Saïgon est devenu une ville européenne. La vieille cité annamite avait été détruite par la conquête ; nous l’avons reconstruite en entier. On y a tracé de larges rues, bordées de beaux trottoirs et ombragées par des arbres magnifiques. Un réseau d’égouts que beaucoup de villes de France lui envieraient, conduit à la rivière les eaux et les immondices. Les édifices publics, les casernes, l’hôpital, les halles ont un aspect monumental, et l’hôtel du gouvernement est un véritable palais. Une population presque aussi variée que celle d’Alger donne à ses rues le mouvement et la vie. Des chemins bien plantés, des tramways à vapeur font communiquer Saïgon avec les localités