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montrant moins ombrageux dans nos relations avec les indigènes et en n’intervenant dans leurs querelles que pour les apaiser. Nous éviterions ainsi ces expéditions meurtrières qui se sont si fréquemment renouvelées, depuis quelques années, au grand détriment de notre commerce et de nos véritables intérêts. On pourrait ainsi réaliser des économies sérieuses et les appliquer au développement du point le plus important de la colonie. Dakar, par sa position au sommet du triangle que forme le cap Vert, par son accès facile et la sûreté de son port, est devenu le point de relâche des paquebots des Messageries maritimes. C’est la tête de ligne du chemin de fer du Cayor et le centre de la station navale. On y a créé un dépôt de charbon et fondé les établissemens les plus indispensables ; mais il reste encore beaucoup de travaux à exécuter pour que les nombreux navires qui y font escale trouvent le moyen de se réparer et pour qu’on puisse y transporter le chef-lieu de la colonie, ainsi que tout le monde le désire, Saint-Louis n’étant accessible qu’aux navires d’un très faible tirant d’eau et lorsque la barre est praticable. Je n’ai rien dit du Congo français et de l’entreprise que M. de Brazza poursuit depuis dix ans, parce que son œuvre, ainsi qu’il le déclare lui-même, est encore à l’état embryonnaire ; mais toutes les sympathies du pays doivent être acquises à ce courageux explorateur, qui n’a jamais fait appel à la force, qui par sa patience et sa douceur est parvenu à nous concilier la sympathie et la confiance des populations et à nouer avec elles des relations qui pourront un jour être utiles à la prospérité de notre pays.

Si la nécessité d’une conduite prudente et d’une sage réserve s’impose à la côte occidentale d’Afrique, elle est bien plus indispensable encore à la côte orientale. Nous n’y possédons, il est vrai, que quelques petites îles malsaines et sans importance : Sainte-Marie, Mayotte et Nossi-Bé ; mais nous y avons de grandes convoitises. Madagascar nous attire et maintes fois déjà la pensée nous est venue de nous en emparer. Elle n’est peut-être pas encore complètement écartée, car nous venons d’étendre notre protectorat sur tout le groupe des Comores. Or l’occupation de la grande île africaine serait, pour notre pays, une entreprise bien autrement sérieuse que nos expéditions du Niger. Madagascar est un des points les plus insalubres du globe. Le massif montagneux qui enferme le centre-est entouré par une triple zone de forêts impénétrables, de marécages et de palétuviers. Tous les Européens qui séjournent sur le littoral contractent la fièvre. C’est l’ennemi contre lequel nous avons à lutter dans toutes nos expéditions. La dernière vient de nous prouver une fois de plus à quel point la côte est malsaine. Nous n’y avons pas perdu beaucoup de monde, mais presque tous les hommes qu’on a débarqués ont été malades. Il fallait incessamment les