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entier, les grandes : de minoribus consultant principes ; de majoribus omnes, et il a survécu dans le Tunscipmot saxon, devenu le Township américain, dans la paroisse anglaise, Vestry, comme récemment encore dans les communes rurales de la Lombardie. Bans les cantons à Landsgemeinde, le champ de mai des Germains s’était maintenu à travers les siècles, parce que ces contrées montagneuses avaient échappé d’abord à la féodalité, puis à une influence plus hostile encore, celle de la centralisation organisée par la royauté, avec l’aide de l’armée permanente. Mais évidemment ce régime n’est applicable que dans une cité ou dans un petit district. Quand l’état s’agrandit et que la population accrue vit dispersée sur un vaste territoire, les citoyens cessent de se rendre à l’assemblée nationale, qui peu à peu tombe en désuétude. Tant que les peuples ne comprirent leur intervention dans la gestion des affaires publiques qu’exercée directement et qu’ils n’eurent pas l’idée de déléguer leurs pouvoirs à des représentans, l’agrandissement de l’état amenait le triomphe de l’autocratie, qui seule pouvait maintenir l’unité de la nation. C’est le régime représentatif qui a rendu possible le self-government pour une grande nation, mais, en Suisse, on a voulu assurer au peuple une action plus immédiate encore sur la législation.

Déjà, au moyen âge, les historiens citent plusieurs cantons où des questions importantes ont été décidées par voie de plébiscite. C’est ainsi que la réforme religieuse a été adoptée au XVIe siècle. En 1802, la constitution de la république helvétique fut soumise à l’acceptation du peuple, et depuis lors il a été de règle que toute loi constitutionnelle et de la fédération et des cantons, soit votée par la majorité des électeurs. Bientôt on alla plus loin : on accorda au peuple le droit d’opposer son veto aux décisions prises par les assemblées législatives. Saint-Gail introduisit le veto populaire en 1831, Bâle-Campagne en 1832, le Valais en 1835, Lucerne en 1841. Les discussions qui eurent pour résultat cette application nouvelle de la démocratie, remirent à l’ordre du jour les principes du Contrat social. L’idée que la souveraineté ne se délègue pas et que le peuple doit intervenir directement dans la confection des lois s’empara des esprits. Comme on ne pouvait dans les grands cantons imiter les cantons forestiers et réunir le peuple entier, deux fois par an, dans une prairie, pour légiférer, on décida que les lois n’auraient force exécutoire qu’après avoir été ratifiées par un plébiscite. Le Valais, Vaud et Berne adoptèrent le référendum dès avant 1848, et depuis lors, il a été inscrit successivement dans la constitution de tous les cantons, Fribourg excepté.

Les résultats du régime plébiscitaire ont été très différens de ceux qu’on attendait : il a déçu les espérances de ses partisans et