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communes, un personnage impassible et complètement impartial, qui n’a d’autre mission que de faire respecter le règlement et qui serait perdu s’il se laissait influencer en quoi que ce soit par ses sympathies politiques. Le speaker aux États-Unis est, au contraire, un homme de parti et il est admis qu’il fasse usage de son immense pouvoir au profit de son opinion. Il compose donc les comités de façon à favoriser l’adoption des bills auxquels tiennent ses adhérens. Aussi la nomination du président de la chambre est-elle l’objet de luttes formidables. L’enjeu en fait de législation est bien plus important que dans l’élection du président de la république. Il est des exemples où les opérations du scrutin se sont renouvelées sans relâche pendant plusieurs jours. Dans la grande république démocratique des États-Unis, la direction générale du pouvoir législatif appartient donc à un seul homme.

Toutefois, il est obligé, par l’opinion, de distribuer les membres dans les différens comités, en raison de leur compétence spéciale. Il s’ensuit que les comités sont toujours composés de représentai des divers partis. Les conclusions et le rapport votés par les comités sont ordinairement une œuvre collective qui est adoptée à la suite de concessions réciproques. On se met presque toujours d’accord pour écarter ce qui pourrait provoquer l’opposition de la chambre ou soulever de trop vives discussions. Les mesures que les comités font voter sont donc le plus souvent modérées, étant le résultat d’une transaction entre des opinions extrêmes. De là résulte que des amendemens sont rarement présentés lors de la discussion générale et que la votation peut se faire presque sans débats. L’antagonisme des divers partis paraît s’effacer complètement ici. Les présidens des 47 comités permanens, dont l’influence est grande, sont nommés d’ordinaire en vertu de leur âge ou, pour mieux dire, de leur ancienneté comme représentant. Dans ces nominations si importantes, l’esprit de parti est également exclu.

Les lois faites par ces nombreux comités ne portent aucunement l’empreinte de l’opinion dominante, comme dans les autres pays parlementaires. Chaque comité s’inspire de la tendance qui domine dans son sein. Entre ces comités il n’existe aucune communauté de vues, nulle solidarité. Au contraire, ils sont plutôt en état d’hostilité latente ou patente, car ils se disputent toujours le temps du congrès et la priorité dans l’ordre du jour. Au sein du congrès, les partis ne sont donc nullement organisés en corps d’armée compacts, obéissant à des chefs connus et se tenant systématiquement en échec. Pour le vote de chaque bill, les membres se divisent d’une façon différente, suivant leurs convictions, leurs intérêts, ou ceux de leurs commettans.

Le système de gouvernement que nous venons d’esquisser semble