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tel ; celui-là encore, et cet autre avec ses longs cheveux. Qu’as-tu à dire maintenant ?

— Je suis vaincu. O infâmes, je vous en prie, recevez mon manteau ; je passe dans votre camp.


Le Démos des Nuées était plus maltraité encore que celui des Chevaliers.

Phidippide se décide enfin à aller à l’école de Socrate. Mais le bonhomme Strepsiade ne tarde pas à s’en repentir ; on le voit accourir bientôt sur la scène, battu par son propre fils : « Ho ! là, là ! voisins, parens, citoyens, secourez-moi ! On me tue ! .. Ah ! la tête ! ah ! la mâchoire ! .. Scélérat, tu bats ton père !


PHIDIPPIDE. — Il est vrai, mon père.
— Vous l’entendez, il avoue qu’il me frappe.
— Sans doute.
— Scélérat ! voleur ! parricide !
— Répète les injures ; dis-en mille autres ; sais-tu que j’y prends plaisir ?
— Infâme !
— Tu me couvres de roses.
— Tu bats ton père !
— Et je le prouverai que j’ai eu raison de le battre.
— L’impie ! peut-on jamais avoir raison de battre son père ?
— Je le démontrerai, et tu seras convaincu.
— Je serai convaincu ?
— Rien de plus simple. Dis seulement lequel des deux raisonnemens tu veux que j’emploie.


Plus loin, Socrate adresse une invocation aux Nuées qui, pour le poète, représentent la matière vaporeuse et vide de la nouvelle philosophie. Les vers, cette fois, sont pleins de grâce et de poésie.


SOCRATE. — Venez, Nuées que j’adore, soit que vous reposiez sur les sommets sacrés de l’Olympe, couronnés de frimas, ou que vous formiez des chœurs sacrés, avec les Nymphes, dans les jardins de l’Océan, votre père ; soit que vous puisiez les ondes du Nil dans des urnes d’or, ou que vous habitiez les marais Méotides ou les rochers neigeux du Mimas, écoutez ma prière, acceptez mon offrande.


Et elles lui répondent :


LE CHOEUR. — Nuées éternelles, paraissons : élevons-nous des mugissans abîmes de l’Océan, notre père, vers les hautes montagnes ; étendons nos voiles humides sur les cimes chargées de forêts d’où nous dominerons les collines lointaines et les moissons que nourrit