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plaisirs. On comprend que ces abus aient excité la verve du poète : les spectateurs en riaient, et nous faisons comme eux.

Mais nous aurons moins d’indulgence pour la guerre qu’il déclara aux institutions religieuses de son pays, parce que si, dans le premier cas, il attaquait des travers, dans le second, il minait les bases mêmes de la cité.

Une croyance tenait fort au cœur des Grecs, même dans la frivole Athènes, la foi aux oracles. Aristophane s’en moque et malmène prophètes et devins. Un d’eux, le Béotien Bacis, dont la vie se perdait dans la nuit des temps et les brouillards de la légende, était d’autant plus en faveur. On avait collectionné ses prétendus hexamètres et on y cherchait les arrêts du Destin, comme les Romains croiront en trouver dans les livres de la Sibylle. Cléon, suivant le poète, en avait fait provision. Pendant qu’il dort, Nicias lui vole ses oracles. Mais le Paphlagonien en a une caisse entière, et le charcutier deux chambres pleines.


DEMOS. — Et de quoi parlent-ils ?
CLEON. — D’Athènes, de Pylos, de toi, de moi, de tout.
DEMOS, au Charcutier. — Et les tiens.
LE CHARCUTIER. — D’Athènes, de lentilles, de Lacédémoniens, de maquereaux frais, de toi, de moi.
DEMOS. — Eh bien ! lisez-les moi, surtout celui que j’aime tant, où il est dit que je serai un aigle planant dans les nues.


Suit une parodie grotesque des réponses « que les trépieds augustes ont fait retentir dans le sanctuaire d’Apollon. »

Il n’est point favorable aux nouveaux dieux qui s’introduisaient dans Athènes : au Phrygien Sabazios, au Phénicien Adonis, à l’Artémis thrace, Bendis, dont la fête était très populaire parmi les matelots du Pirée, à Cotytto, autre étrangère venue aussi de la Thrace, et il avait raison, car ces cultes orgiastiques convenaient mieux à Corinthe la Voluptueuse qu’à la cité placée sous l’invocation de la chaste Minerve. Mais il respecte bien peu les vieilles déités de la Grèce et leur culte.

Le sacrifice est le fond de toute religion ; dans les rites grecs, il était de plus la communion des fidèles avec le dieu, par conséquent un acte deux fois saint. Pour Aristophane, c’est un festin comme un autre dont les dieux ont grand besoin. « Quand le calendrier est en désordre, dit-il, l’Olympe est réduit à jeûner, car on passe des fêtes et l’on immole moins de victimes. « Il respecte Minerve et Cérès, auxquelles, dans Athènes, il ne serait pas permis de toucher ; mais Mercure devient un chevalier d’industrie, protecteur des fripons ; Hercule, un goinfre qui a toujours faim ; Bacchus, « le fils de la cruche à vin, » un poltron qui a toujours soif. Pluton, Neptune,