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perpétuelle un crédit fixé annuellement. Cet amortissement aura le caractère obligatoire de la dette publique. Le crédit y relatif sera inscrit à un chapitre spécial ouvert à la première partie du budget ordinaire des dépenses de l’exercice, section de la dette consolidée. » Cet article, qui ne visait pas seulement l’emprunt en discussion, mais l’ensemble de la dette en 3 pour 100, fut voté par la chambre. Il avait été accepté par le gouvernement, mais avec une répugnance manifeste. « On amortit quand on peut, » avait commencé par dire M. Sadi Carnot qui ne parla jamais que de 3 ou 4 millions à inscrire au budget, c’est-à-dire d’une somme qui ne représentait pas un amortissement sérieux de l’emprunt, et, à plus forte raison, du 3 pour 100 perpétuel. Quant à M. de Freycinet, sans combattre l’article additionnel, il le traita devant le sénat avec un mélange d’ironie et de dédain. « Assurément, dit-il, cette disposition n’est pas nuisible : je dirai même que c’est l’expression d’une très bonne tendance ; elle indique qu’on veut amortir. Le pire qui puisse arriver, c’est que les budgets ultérieurs ne confirment pas cette résolution ; mais, à coup sûr, l’énoncé d’une telle disposition, la constatation d’une telle tendance n’est pas chose condamnable et nuisible. » Le sénat ne se méprit pas sur la véritable pensée du ministre ; il supprima l’article additionnel, et avec raison. Quelque soin que les auteurs de cet article eussent pris pour le libeller de façon à lui donner un caractère obligatoire, il n’existait aucune sanction pour en assurer l’exécution. Ce n’était jamais qu’un simple article de loi pouvant être abrogé par une autre loi ; cela était d’autant moins contestable que la majorité de la chambre s’est toujours attribué le droit de déroger par la loi de finances à toutes les lois antérieures, et de refuser les crédits qui découlent de ces lois. Il n’y avait aucun moyen de contraindre le ministre des finances à inscrire un crédit pour l’amortissement quand il n’aurait pas de fonds disponibles, à moins de retomber dans le système d’emprunter d’un côté pour amortir de l’autre. L’amortissement institué par la loi de 1866 est le seul, qui ait fonctionné d’une façon sérieuse pendant les quatre années de son existence, parce qu’il était alimenté par des excédens de recettes, et doté de ressources propres, indépendantes du budget.

L’emprunt voté, le 8 avril, par la chambre, à la faible majorité de 279 voix contre 222, fut également adopté par le sénat après une longue et vive discussion. Dans les deux chambres, les orateurs de l’opposition le considérèrent comme un emprunt de nécessité, imposé au gouvernement par la pénurie du trésor. Pour réfuter cette thèse, les orateurs de la gauche se complurent à faire l’énumération de tous les moyens de trésorerie dont le ministre des finances disposait pour se procurer de l’argent et assurer les