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se réservait de le renverser à l’automne en détruisant de fond en comble toute l’économie du budget.

Après s’être vivement débattu, le ministère finit par souscrire à la mutilation de son projet d’emprunt et à l’ajournement de la partie la plus importante de son plan. La lutte fut remise, d’un commun consentement, à la discussion du budget ; et le rapport enregistra, en ces termes, cet accord : « L’article premier du projet du gouvernement a donc été distrait du projet de loi que nous vous soumettons et réservé pour un examen ultérieur. Le gouvernement a adhéré à cet ajournement, sans renoncer à son programme, dont il se réserve de demander à la chambre l’adoption intégrale au moment de la discussion du budget. » Le chiffre de l’emprunt fut donc ramené de 1,466 millions à 000 millions ; il fut décidé que les 400 millions destinés aux déposans des caisses d’épargne ne seraient pas mis en souscription publique, mais seraient délivrés directement à la caisse des dépôts et consignations. Une disposition avait même été introduite pour attribuer ces rentes, par préférence, et au taux d’émission, aux porteurs de livrets qui en feraient la demande ; mais cette disposition, d’une application difficile, fut supprimée par le sénat. Les 500 millions qui, seuls, devaient être mis en souscription publique, conservaient la destination que le gouvernement leur avait donnée, à savoir de remplacer les 152 millions d’obligations à émettre pour le budget extraordinaire de 1886, de couvrir les 105 millions nécessaires au ministre de la guerre en 1887, et de servir au remboursement des bons du Trésor.

La question la plus délicate, celle qui fut débattue avec le plus de vivacité, fut le choix du fonds dans lequel les rentes à créer seraient émises. Le 4 1/2 pour 100, placé sous la menace d’une conversion, était nécessairement exclu. Un gouvernement qui se serait inspiré des véritables principes financiers et de la pratique des nations les plus expérimentées, et qui aurait en foi en son propre avenir, n’aurait pas hésité à choisir le 4 pour 100. Ce fonds était au-dessus du pair et on n’avait pas à craindre de le faire baisser, attendu que l’obstacle à son élasticité est dans l’étroitesse extrême du marché qu’il présente actuellement, et qui se serait trouvé élargi. Comme personne ne se fait l’illusion de croire que le 4 1/2 puisse être converti directement en 3 pour 100, le 4 pour 100 sera une étape inévitable. C’est donc un fonds d’attente, destiné à devenir quelque jour le plus important de nos fonds publics : la perspective de la conversion du 4 1/2, rendue plus certaine, ne pouvait manquer de lui faire prendre un essor qui aurait tout à la fois facilité cette grande opération, et préparé peut-être une conversion ultérieure en 3 1/2. En empruntant en 4 pour 100 au-dessus du pair,