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REVUE DRAMATIQUE

Odéon : Don Juan.

Connaissez-vous M. Calmettes? — Non. — Et M. Matrat? — Heu! heu!.. — Et Mlle Suzanne Bertrand? — Pas davantage. — Connaissez-vous l’Odéon? — Oui ! — Eh bien ! M. Calmettes et Mlle Suzanne Bertrand sont un jeune homme et une jeune fille à peine dénichés du Conservatoire; engagés à l’Odéon, ils y trouvent M. Matrat, un peu plus ancien dans la vie et dans. Ce théâtre ; et, pour leurs débuts, avec le concours de ce camarade et de quelques autres, ils jouent Don Juan. — Don Juan d’Autriche, sans doute? — Non! le Don Juan de Molière. — Ah! les pauvres enfans!.. Mais M. Calmettes, pour son coup d’essai, représente peut-être don Alonse, le moins important des frères d’Elvire, ou Ragotin, qui retire si prestement l’assiette de Sganarelle, ou La Violette qui lui verse à boire? — Non pas! M. Calmettes fait don Juan. — Jeune présomptueux!.. Il est donc, cet apprenti comédien, doué de toutes les grâces et de toutes les élégances, fils favori de la nature, filleul des fées et du diable? — Je n’oserais l’assurer. — Il a poussé, dans l’intervalle des classes ou pendant ces dernières vacances, jusqu’à l’extrémité des passions, jusqu’à la fin des philosophies; il est passé maître à tous les jeux de l’amour et de la raison? — Je n’en réponds point. — Il connaît la valeur de son personnage et les intentions de l’auteur?.. Don Juan! Être don Juan! Avant d’y prétendre, il s’est renseigné auprès des critiques et des historiens, auprès de la poésie et de la musique? Il a demandé conseil à Musset, il a mêlé son âme à celle de Mozart? Au moins, il a lu Hoffmann? — Je ne sais ; mais Molière ne l’avait pas lu.