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pour les généraux autrichiens campés du côté de Gènes, et notamment pour M. de Mêlas. Il promit encore des canons et vingt passeports en blanc pour Turin, destinés à des officiers dont Willot s’était assuré le concours. « Malheureusement, dit celui-ci dans le rapport auquel nous empruntons ces détails, les promesses étaient verbales et les lettres n’étaient pas des ordres. » Il les reçut quelques jours plus tard, accompagnées de quatre passeports seulement. Quant aux canons, il n’en était plus question. Ses nouvelles instances auprès de Thugut ne furent pas couronnées de plus de succès. Celles de lord Minto restèrent également vaines.

C’est dans ces conditions, privé de tout secours comme de tout appui, ne pouvant compter que sur son habileté, sur son éloquence, pour rallier Mêlas à ses vues, que Willot se mit en route pour le Piémont, où il espérait le trouver. A Verceil, il fut reçu par le duc d’Aoste, beau-frère de Louis XVIII. Il apprit de lui que la campagne était commencée et que Mêlas opérait dans les montagnes de l’état de Gênes. Avant de chercher à le rejoindre, il alla à Turin, où un certain nombre d’officiers émigrés, embauchés par ses agens, attendaient son arrivée. Il les vit, conféra avec eux, leur distribua quelque argent, leur ordonna de se tenir prêts à passer la frontière et à commencer une active propagande. Puis, il continua sa course à la poursuite de Mêlas. Il y avait déjà trois semaines qu’il était parti d’Augsbourg. La longueur, les difficultés du voyage, ses arrêts à Vienne et à Turin, avaient ainsi dévoré un temps précieux. Il perdit encore quinze jours à chercher Mêlas, allant et venant, faisant dix fois la même route, courant les plus sérieux dangers. C’est au commencement de mai seulement qu’il le rencontra à Voltri près de Gênes.

Exaspéré par la longueur du siège de Gênes, par cette glorieuse résistance de Masséna, qui épuisait les forces des assaillans, averti depuis peu de jours que Bonaparte venait d’apparaître sur les Alpes, dévoré d’inquiétude, accablé de soucis, le général de Mêlas ne vit dans Willot qu’un importun. Il le reçut plus froidement encore que ne l’avait fait Thugut, l’écouta sans bienveillance et lui répondit durement : «Je n’ai aucune confiance dans vos projets. D’ailleurs, je ne m’en occuperai pas avant la reddition de Gênes. » Cette réponse hautaine permit à Willot d’apprécier combien les intérêts du roi de France pesaient peu dans la balance autrichienne. Il protesta cependant, rappela qu’il n’était pas allé à Vienne de son propre mouvement, qu’on l’y avait appelé; il insista pour obtenir des secours. Pour se débarrasser de lui, Mêlas le renvoya à un de ses lieutenans, le général Keim, qui commandait en Piémont. Keim ne parut pas mieux disposé à s’occuper de ses demandes. En désespoir de cause, il s’aboucha avec M. de Zach, chef de l’état-major