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Vers la fin de ce même mois d’août, le général Willot arrivait à Hambourg venant d’Angleterre. Après avoir perdu son temps à Londres pendant de longs mois, il avait obtenu enfin du cabinet de Saint-James l’autorisation de passer sur le continent. Mais, de ses nombreuses sollicitations accueillies d’abord avec faveur, c’était la seule à laquelle il eût été fait droit. Pour les autres, on était resté sur la réserve. On l’avait engagé à s’entendre avec Pichegru, à se mettre aux ordres de Wickham, à attendre que les circonstances, en se modifiant, permissent d’utiliser ses talens. Mais les circonstances seraient-elles jamais meilleures qu’à ce moment où la marche victorieuse des alliés semblait si bien faite pour justifier et seconder une insurrection à l’intérieur de la France? Willot ne le pensait pas. Aussi, cherchant à vaincre les difficultés que lui créaient les hésitations, les lenteurs de l’Angleterre, rêvait-il de recourir aux bons offices de la Russie.

En arrivant à Hambourg, il écrivit à Mitau. Il demandait au roi d’intervenir en sa faveur auprès du tsar. Le roi s’empressa d’accéder à sa demande. Le 9 septembre, il s’adressait en ces termes à Paul Ier : « Votre Majesté Impériale ne penserait-elle pas qu’il pourrait être avantageux de permettre au général Willot, d’après son vœu, que je connais plus particulièrement, d’aller s’offrir au prince italique Souvarof[1], pour le moment où il pourra se rendre utile dans la Provence et le Languedoc. Indépendamment de l’intérêt général que Votre Majesté Impériale prend à tout mon royaume, le sort des provinces méridionales, et en particulier de Marseille, ne peut être indifférent au grand maître de Malte. C’est spécialement à ce titre que je lui demanderais de rapprocher de ces contrées le général Willot, que les royalistes, qui y sont en grand nombre, connaissent déjà avantageusement et désirent avec ardeur. »

En attendant le résultat de ses demandes, Willot, à Hambourg, vivait très retiré. Il voyait peu les émigrés. Dans ses rares rapports avec Thauvenay, il témoignait une extrême retenue[2]. Seul, le prince de La Trémoille eut raison de sa discrétion. Louis de La Trémoille, venu accidentellement à Hambourg, après avoir joué vingt fois sa vie pour servir dans Paris les intérêts du roi, connaissait Willot. Leurs relations dataient des journées antérieures au 17 fructidor, des intrigues royalistes dans lesquelles ils s’étaient rencontrés. Willot s’ouvrit à lui avec abandon de ses perplexités,

  1. A la suite de ses victoires en Italie, Souvarof avait été créé prince Italijski.
  2. Thauvenay signala au roi la discrétion de Willot. Le 12 septembre, Saint-Priest lui répondait : « Je suis étonné que le général Willot ait usé de retenue avec vous. Le duc d’Harcourt, qui l’a vu à Londres, a été très satisfait de son langage. J’ai regret de ne vous avoir pas prévenu. Vous auriez engrené de là avec lui. »