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entier en trois séances, mais pour protester contre la pression qui était exercée sur lui, il renvoya au mois de janvier la discussion et le vote du budget extraordinaire, comme si un examen rétrospectif de la situation financière suffisait à sauvegarder sa dignité et ses droits. On voit que, si l’on méconnaissait depuis longtemps les règles essentielles de la comptabilité publique, on commençait à y ajouter, par un nouveau progrès, la méconnaissance des règles constitutionnelles. Ce budget ordinaire de 1884, voté dans des conditions aussi singulières, à 3,026 millions en recettes et à 3,025 millions en dépense, était en déficit dès les premiers jours de janvier par suite de l’abaissement des recettes publiques : il s’est soldé par un déficit que l’exposé du budget de 1887 évalue provisoirement à 116 millions. Le budget extraordinaire, voté à 257 millions, fut porté à un chiffre beaucoup plus élevé par une longue série de crédits extraordinaires : il monta, déduction faite des annulations, à 416,781,258 francs, dépassant ainsi et dans une proportion notable, l’emprunt destiné à le couvrir. Les recettes publiques donnèrent une moins-value de 74,634,195 francs, que compensèrent jusqu’à concurrence de 22 millions des plus-values fournies par les droits sur les sucres et les vins étrangers et par quelques taxes qui avaient été remaniées.

La pénurie du trésor contraignit le ministre des finances à émettre, dès le commencement de février 1884, l’emprunt qui devait pourvoir aux dépenses du budget extraordinaire de l’année. Le taux d’émission fut 76 fr. 60, inférieur de 6 fr. 90 à celui de l’emprunt de 1881, soit, par conséquent, avec une baisse de 9 pour 100 par rapport à l’emprunt précédent. Dès le premier jour, le nouveau fonds descendit de 0 fr. 25 à 0 fr. 30 au-dessous de ce taux d’émission, et il fallut recourir à l’assistance de divers établissemens financiers pour soutenir les cours. Cette opération, du reste, n’ajouta pas beaucoup aux disponibilités du ministre des finances, car, sur 200 millions de bons du trésor qu’il avait réussi à mettre en circulation, 180 millions lui furent rapportés par les souscripteurs : c’était plus de la moitié de l’emprunt. Le budget de 1885 fut déposé quelques jours plus tard sur le bureau de la chambre. Il présentait cette particularité que le budget extraordinaire, réduit à 208 millions par l’effet des conventions avec les grandes compagnies, n’était doté d’aucune ressource spéciale. Tous les emprunts antérieurs étaient complètement épuisés, et celui qui venait d’être contracté était à peine suffisant pour couvrir les dépenses autorisées pour 1884; il n’existait plus dans aucune caisse publique un centime disponible. M. Tirard le reconnaissait; mais il s’empressait d’ajouter qu’il ferait face aux dépenses du budget extraordinaire au moyen d’obligations à court terme, dont le remboursement serait échelonné jusqu’en