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point sujet de s’en préoccuper lorsqu’il entrait, comme sous la monarchie de juillet, pour une cinquantaine de millions, ou comme sous l’empire, pour 80 à 90 millions, dans la composition de la dette flottante ; mais aujourd’hui, il représente des milliards. Bien que le trésor ne soit tenu de recevoir en compte courant les fonds des caisses d’épargne qu’autant que la caisse des dépôts et consignations n’en trouve pas le placement en fonds publics, l’administration des finances a absorbé et appliqué aux besoins du budget extraordinaire le produit de tous les versemens. On a commencé par remettre en échange, à la caisse des dépôts, des obligations à quatre, cinq et finalement à six ans, dont l’amortissement figurait au budget; mais cet amortissement n’a pas tardé à devenir une lourde charge et un embarras : on a réduit alors à 100 millions les remboursemens annuels et on a eu recours à des renouvellemens pour le surplus des échéances. On écrivait, il est vrai, dans la loi que les excédens de recettes en fin d’exercice seraient nécessairement et exclusivement appliqués à retirer les obligations ainsi renouvelées ; mais cet article de loi n’a jamais été exécuté.


II.

Les dépôts continuant d’affluer pour les raisons qu’on a fait connaître, et de servir exclusivement à alimenter le budget extraordinaire, on ne tarda pas à se trouver en face d’une dette flottante de 2 milliards, et l’inquiétude commença à gagner le monde financier. Ce fut alors que le ministre des finances surprit agréablement le parlement et le public en annonçant qu’il allait consolider la moitié de cette dette flottante au moyen d’un emprunt qui ne nécessiterait aucune émission, aucuns frais de négociation, et n’amènerait aucune dépression des fonds publics parce qu’il ne viendrait jamais sur le marché. Le secret qui devait accomplir ces merveilles consistait à remettre à la caisse des dépôts, en échange des espèces sonnantes qu’on lui avait prises, 1 milliard en rente amortissable: on sait que ce chiffre ne tarda pas à être porté à 1,200 millions. C’était là un expédient extrêmement ingénieux, mais ce n’était point une consolidation effective. Les titulaires de livrets de caisse d’épargne n’étaient liés à aucun degré par l’arrangement intervenu entre la caisse des dépôts et le ministre des finances ; et ils conservaient toujours une créance immédiatement exigible. La lumière est faite aujourd’hui sur ce point et, dans la discussion du mois d’avril dernier, les orateurs de tous les partis: M. Andrieux, M. Jules Roche aussi bien que leurs adversaires, ont reconnu que la consolidation de 1881 était purement fictive ; qu’elle n’avait en rien modifié la