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autour s’étend une ceinture de petits villages où habite tout un peuple de cultivateurs. » Terre et paysans, bien entendu, appartiennent au propriétaire. Frontin ajoute que les domaines de cette nature se rencontrent assez fréquemment en Italie, plus souvent dans les provinces.


III.. — LE DOMAINE RURAL EN GAULE.

La Gaule était alors une province de l’empire. Conquise, mais non asservie, elle faisait partie de la société romaine. Assez vite elle devint romaine par la langue, par les mœurs, par les croyances, par les institutions politiques et par le droit. Ce qu’elle conserva de son passé fut ce qui se conciliait avec les habitudes romaines. Rien n’autorise l’historien à penser que la propriété rurale y fût constituée autrement qu’en Italie. Avant la conquête, elle avait déjà pratiqué le droit de propriété sur le sol. Elle avait connu ce que les Romains appelaient « la terre séparée, distincte, limitée, » ager divisus et limitatus, c’est à-dire la pleine propriété privée. César fait observer que les juges gaulois avaient à vider cette sorte de procès qui n’existent qu’entre propriétaires, des procès sur les héritages et sur les limites des immeubles. Le domaine ou fundus était donc déjà dans les habitudes gauloises.

Probablement, les mêmes variétés qu’il y avait dans le régime politique et social des divers peuples de la Gaule se reproduisaient dans la nature et dans l’étendue du domaine rural. Croire qu’il existât un type uniforme serait certainement une erreur ; la Gaule avait eu deux siècles de révolutions. Là où l’état était démocratique ou monarchique, la propriété foncière pouvait être très morcelée. Mais l’aristocratie était encore maîtresse chez le plus grand nombre des peuples ; aussi était-ce la grande propriété qui prévalait. Cette propriété était d’une nature assez particulière. Elle se rattachait au régime de l’antique famille gauloise, c’est-à-dire du clan. En principe, la terre appartenait non aux individus, mais à la famille entière. En fait, elle était le domaine du chef seul, et tous les parens, tous les cliens, tous les serviteurs en avaient une jouissance commune sous l’autorité de ce chef. Unité de propriété, communauté de jouissance, telles avaient été les règles primitives de ce vieux régime de propriété familiale. Mais ces règles, un peu idéales, s’étaient altérées avec le temps. La communauté de jouissance s’était changée en une communauté d’oppression, et la masse des cultivateurs, réduite à la condition de tenanciers sans droits précis, formait cette « plèbe » dont par le César et qu’il dit être « si voisine de l’esclavage. » Les descendans des anciens chefs de clans,