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On se rappelle que Hop avait été seul chargé par son gouvernement de faire des ouvertures à la cour de Vienne; sans lui révéler l’existence même du traité, il devait l’amener à l’idée d’un partage de la monarchie espagnole, suivant le système de répartition qui faisait la base du traité. On se rappelle aussi les propositions dérisoires et les fins de non-recevoir opposées aux démarches de l’envoyé hollandais. L’attitude inerte et fataliste de la cour impériale n’avait pas été adoptée sans des discussions et des tiraillemens qu’il est bon de connaître. Nous avons à cet égard les renseignemens les plus curieux et les plus authentiques. C’est la série des procès-verbaux des séances du conseil, conservée aux archives I. R. de Vienne. Cette incomparable collection est la source incontestée de l’histoire véritable. M. Gædeke l’a utilisée avec sagacité et en a publié les principales pièces. Tout y est curieux, jusqu’à la forme. Ce sont de courtes notes, prises au cours de chaque séance, à l’aide de ce bizarre mélange de mots allemands, latins, français, italiens à la mode dans les chancelleries allemandes ; les discours de chaque membre du conseil y sont résumés en quelques phrases rapides, brèves, dont l’incorrection même garantit la sincérité; mieux que les dépêches les plus correctes et les plus étudiées, ces témoins irrécusables nous font connaître la pensée entière de la cour et assister au laborieux enfantement de ses résolutions. Le conseil ou conférence chargé d’étudier la question d’Espagne se composait de Harrach, grand-maître de la cour, de Waldstein, grand-chambellan, de Buceleni, grand-chancelier, de Kaunitz, de Mansfeld, plus deux conseillers d’état servant de secrétaires. Le roi des Romains assistait aux séances importantes qui avaient lieu en présence de l’empereur. Quand les questions avaient été discutées, l’opinion de la majorité était soumise à l’empereur, qui décidait. De tous ces hommes d’état, les seuls qui parussent avoir des idées nettes étaient le roi des Romains et Kaunitz : le premier ne croyait pas à une solution pacifique; sans se refuser à un essai de négociation directe avec la France, il insistait pour que l’on prît résolument et rapidement des mesures militaires. Kaunitz croyait une entente avec la France possible, il conseillait de la tenter franchement, tout en se préparant à faire la guerre si les tentatives de conciliation échouaient. Les autres flottaient incertains entre des opinions contradictoires : le plus irrésolu de tous était l’empereur. Dans les conclusions qui terminaient chaque séance, les récriminations stériles, les propositions vagues tenaient plus de place que les résolutions positives. L’accord s’était pourtant fait sur un point : l’impossibilité d’accepter les propositions hollandaises. Tout le conseil était d’avis que le projet de répartition des états espagnols ne tenait pas un compte suffisant des intérêts autrichiens,