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mystique de Léopold, à la lenteur proverbiale du conseil aulique : les avances faites à Villars ne servaient qu’à la couvrir ; pendant que l’envoyé du roi les enregistrait avec une naïve satisfaction, la cour prenait ses précautions à Madrid : des bruits alarmans ayant couru sur la santé du roi, l’empereur s’empressait de signer le 9 juillet des pleins pouvoirs donnés éventuellement au conseil de Castille pour gouverner l’Espagne en son nom. En même temps, feignant d’entrer dans les vues de Guillaume, il lui faisait proposer de donner les Indes à la France et le Milanais à l’Autriche. Guillaume et Heinsius étaient trop avisés pour ne pas discerner le véritable sens d’une proposition aussi directement contraire aux intérêts des puissances maritimes ; ils la repoussèrent comme dérisoire et commencèrent à douter du succès ; ils n’en insistèrent pas moins avec une louable persévérance. Guillaume s’épuisa en vains efforts pour persuader la cour de Vienne de la nécessité d’une transaction sérieuse. Toute l’année 1699 se passa en inutiles négociations.

Ce n’était pas seulement à Vienne que le roi d’Angleterre rencontrait des résistances inattendues : en Hollande, les états généraux se refusaient à signer le traité. « Messieurs d’Amsterdam, » avec leur sens pratique, comprenaient ce qu’avait de précaire un arrangement repoussé par la partie la plus intéressée et qui laissait indéterminée une question aussi grave que la nomination du futur roi d’Espagne ; de plus, ces parlementaires défians demandaient l’enregistrement du parlement de Paris. On voit d’ici l’indignation du grand roi en apprenant une semblable prétention : il répondit avec hauteur que le parlement de Paris était un corps judiciaire qui n’avait pas à connaître de sa politique, mais il se montra prêt à attendre patiemment l’adhésion de l’Autriche et à s’entendre avec Guillaume sur une liste de candidats au trône d’Espagne : ces concessions n’amenèrent aucun résultat. Louis XIV commençait à perdre patience ; Guillaume, de son côté, s’alarmait et craignait que le roi, poussé à bout, ne s’entendît directement avec l’Autriche ; il fit un dernier et vigoureux effort et enleva le consentement des états-généraux ; le 3 mars 1700, ils signèrent 16 traité tel qu’il avait été arrêté entre les deux rois. Les ratifications furent échangées à la fin d’avril.

A Vienne, Guillaume fut moins heureux : il n’obtint que des fins de non-recevoir. Seul pendant toute cette année, il avait conduit la négociation par l’intermédiaire de Hop. Villars s’était tenu à l’écart par l’ordre du roi, qui pensait avec raison que l’ancien allié de Léopold était mieux placé que lui pour amener l’empereur à traiter. Villars ne devait pas laisser soupçonner aux ministres autrichiens que son souverain fût d’accord avec le roi d’Angleterre. Pourtant, quand l’adhésion des états de Hollande eut donné au traité un caractère