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préoccupé de ne pas mettre les ressources maritimes de l’Espagne et des Indes entre des mains puissantes, il cherchait à faire remplacer le prince électoral par un souverain de second ordre, soit l’électeur de Bavière, soit le duc de Savoie ; ce fut Louis XIV qui plaida la cause de l’archiduc et qui réussit à la faire triompher. Le 11 juin 1699, après des négociations dont nous n’avons pas à refaire l’histoire, le second traité de partage était provisoirement signé entre le roi de France et le roi d’Angleterre ; il ne devait devenir définitif qu’après l’accession de la Hollande; trois mois étaient donnés à l’empereur pour y accéder de son côté. On sait que ce traité attribuait à l’archiduc l’Espagne, les Pays-Bas et les Indes, au dauphin l’Italie, moins le Milanais, qu’il devait échanger contre la Lorraine. Si l’empereur, à l’expiration du délai fixé, n’avait pas signé le traité, les puissances s’entendraient pour le choix d’un troisième prince qui recevrait la part refusée par l’Autriche.

Guillaume fut chargé d’amener l’empereur à accepter ces conditions. Il le fit sonder par Hop, son envoyé à Vienne : lui-même fit des ouvertures à Auersperg. Le souverain et le ministre reçurent, chacun de leur côté, la même réponse, à savoir que l’empereur était le seul légitime héritier de Charles II, depuis la mort du prince électoral, en vertu du testament de Philippe IV et de la renonciation de la reine de France, que l’Angleterre et la Hollande s’étaient engagées en 1689 à soutenir ses droits, que la grande alliance n’était pas rompue et que l’empereur comptait sur ses alliés pour le défendre éventuellement contre les prétentions de la France. Il n’était pas besoin de nouveaux arrangemens, les anciens suffisaient. L’argumentation était serrée, mais elle n’était plus de saison. Guillaume, lié avec Louis XIV, n’était plus disposé à faire la guerre au seul bénéfice de l’Autriche et à dépenser les ressources de ses deux états pour mettre l’Europe sous la dépendance d’une seule dynastie : il le fit sentir à la cour de Vienne et insista, sans encore lui révéler l’existence du traité, pour qu’elle se prêtât à une transaction. Il se crut écouté. Vers la même époque, Kaunitz, reprenant avec Villars le thème de Kinsky, lui faisait des ouvertures banales que l’envoyé de France prenait pour des avances et signalait au roi avec empressement. A Versailles comme à Londres, on crut un instant à la possibilité d’une entente. Mais c’était une illusion; à Vienne, on ne cherchait qu’à gagner du temps, à empêcher le rapprochement de l’Angleterre et de la France : on se croyait sûr de l’héritage espagnol, on ne voulait pas risquer dans des compromissions douteuses les chances que l’on croyait tenir de son droit, de l’inclination connue de Charles II, et de la protection d’en haut.

Cette politique d’atermoiement convenait à l’esprit irrésolu et