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REVUE LITTÉRAIRE

LE THÉÂTRE DE VOLTAIRE.

Le Théâtre de Voltaire, par M. Émile DeschaneL Paris, 1886 ; Calmann Lévy.

Et moi aussi, puisque tout le monde en parle et que l’occasion, selon toute apparence, ne s’en représentera plus de sitôt, j’ai, ou je crois avoir quelque chose à dire du théâtre de Voltaire. Ce n’est pas pour le louer, ce n’est pas non plus pour le déprécier, c’est simplement pour l’expliquer, et, en l’expliquant, concilier, si je le puis, les opinions contraires de tant d’honnêtes gens qui l’ont diversement jugé. Délicate entreprise, mais non pas impossible, ou même plus facile qu’on ne se l’imagine, si seulement nous voulions mêler à la critique un peu d’histoire, et dans nos jugemens mettre ou tâcher de mettre quelque autre chose que nous-mêmes. Le commencement de la critique est de juger d’abord, pour les approuver ensuite, mais plus souvent pour y contredire, nos impressions personnelles. Et si peut-être l’on pensait, — comme je ne serais pas éloigné de le penser pour mon compte, — que ni Zaïre, ni Alzire, ni Mérope, ni Tancrède ne valent un tel effort. Voltaire le vaut sans doute. Voltaire, et, parmi toutes les manifestations de sa prodigieuse activité, ces tragédies sur lesquelles il fondait lui-même, avec ses courtisans, ses plus sûres espérances de gloire et d’immortalité.

C’est, en effet, un premier point qu’il nous faut retenir. Si Voltaire, plus d’une fois et de bonne heure, a voulu faire de la tragédie de Corneille