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à jamais ouvert aux hypothèses métaphysiques. De même que l’être est le grand genre suprême, genus generalissimum, enveloppant les espèces de l’objectif, la conscience est le grand genre suprême enveloppant et contenant toutes les espèces du subjectif ; on ne pourra donc répondre jamais entièrement à ces deux questions : Qu’est-ce que l’être ? qu’est-ce que la conscience ? ni, par cela même à cette troisième question, qui présupposerait la solution des deux autres : La conscience sera-t-elle ?

On lit sur un vieux cadran solaire d’un village du midi : Sol non occidat ! — Que la lumière ne s’éteigne pas ! Telle est bien la parole qui viendrait compléter le Fiat lux. La lumière est la chose du monde qui devrait le moins nous trahir, avoir ses éclipses, ses défaillances ; elle aurait dû être créée « à toujours, » εἰς ἀεί, jaillir des cieux pour l’éternité. Mais peut-être la lumière intellectuelle, plus puissante, la lumière de la conscience finira-t-elle par échapper à cette loi de destruction et d’obscurcissement qui vient partout contre-balancer la loi de création ; alors seulement le Fiat lux : sera pleinement accompli : Lux non occidat in œternum !

IV.

Si nous généralisons les hypothèses qui précèdent et si nous supposons la sphère de la conscience s’étendant de plus en plus dans la nature, la dissolution universelle ne semble plus une loi aussi inéluctable de la destinée. Il importe de ne pas étendre sans preuve à l’avenir ce que le passé seul a vérifié. Jusqu’à présent, il n’est pas d’individu à nous connu, pas de groupe d’individus, pas de société, pas de monde qui soit arrivé à une pleine conscience de soi, à une connaissance complète de sa vie et des lois de cette vie. Nous ne pouvons donc pas affirmer ni démontrer que la dissolution soit essentiellement et éternellement liée à l’évolution par la loi même de l’être : la loi des lois nous demeure x, Pour la saisir un jour, il faudrait un état de la pensée assez élevé pour se confondre avec cette loi même. On peut, d’ailleurs, rêver un pareil état, et s’il est impossible de prouver son existence, il est encore plus impossible de prouver sa non-existence. Peut-être qu’un jour, si la pleine connaissance de soi, la pleine conscience était réalisée, elle produirait une puissance correspondante assez grande pour arrêter désormais le travail de dissolution, à partir du point où elle serait arrivée à l’existence. Les