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au chœur universel ; dans le Cantique du Soleil il glorifie le Seigneur pour toutes les choses excellentes et belles que ses mains ont prodiguées :

Laudato sia, Dio mio Signore, con tutte le tue creature !


et l’Alléluia d’Assise, où la lumière du jour, la douceur étoilée des nuits méridionales, le souffle tiède du vent, le bruissement des eaux vives et les grâces maternelles de la terre, nostra madre terra, toute parée d’herbes, de fleurs empourprées et de fruits, sont évoqués tour à tour, éclate, comme un chant de fête, sur le berceau de la poésie italienne. Mais c’est aussi le cantique du christianisme franciscain, qui ne sait point voir de contraste douloureux entre la sérénité de la nature et les misères humaines, et qui fait de la souffrance même une chose sacrée : « Sois loué, mon Seigneur, pour ceux qui pardonnent au nom de ton amour, pour les faibles qui endurent la tribulation ! Bienheureux les malheureux et les pacifiques, car toi, le Très-Haut, tu leur donneras une couronne ! »

V.


L’Italie vit donc, vers l’année 1210, se renouveler le mouvement enthousiaste des temps apostoliques. On accourut en foule à saint François, dont la parole consolait et délivrait les âmes. Il versait sur toutes les plaies le baume de l’évangile. À ceux qui traînaient avec impatience le joug du régime communal il montrait le royaume de Dieu comme le prix des injustices et des tyrannies de la vie terrestre. Il calmait le malaise des consciences, qui, afin de se soustraire aux ennuis du siècle, s’étaient détachées peu à peu de l’église ; il témoignait, par l’exemple même de sa personne, des trésors de joie que l’on pouvait encore recueillir, tout en demeurant un chrétien fidèle. Il instituait non pas le libre examen, mais la liberté de l’amour ; il allégeait la main de l’église, cette main pontificale que le moyen âge avait faite si rude, et sous laquelle ployait la chrétienté latine. À l’église elle-même il apportait la force de l’apostolat primitif, il l’arrachait à la mélancolie stérile du cloître, à l’orgueil de l’épiscopat féodal, pour la jeter, non plus en maîtresse hautaine, mais en mère de miséricorde, au sein des cités populeuses, dans la fermentation des communes, parmi les serfs de la campagne ; il la ramenait à ses souvenirs les plus beaux en lui rendant, comme une formule magique, la charité des paroles de Jésus : Misereor super turbam.

Aussi, dès les premiers jours, toutes les classes de la société ita-