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secondaire en deux parties : l’une qui restera classique, qui gardera le vieux nom d’humanités ; l’autre qui sera plus particulièrement française, qui aura ses programmes, sa hiérarchie, son baccalauréat. Qu’en sera-t-il de cette réforme qui a eu l’autre jour sa place dans les préoccupations et les harangues de la Sorbonne? Le professeur de l’université chargé du discours traditionnel, M. Rabier, dans un langage élevé et discret, ne s’est point défendu de quelques doutes, d’une certaine tristesse sur l’avenir des études classiques. M. le ministre de l’instruction publique, pour sa part, s’est fait le théoricien confiant, un peu optimiste, de la réforme nouvelle, des deux enseignemens rivaux ou parallèles qu’il va inaugurer et dont il attend des merveilles. On dirait en vérité, à entendre quelquefois les novateurs d’aujourd’hui, qu’avant eux rien n’a été fait, que le monde les a attendus pour savoir le prix de la force et de l’extension de l’enseignement. On en parlait moins bruyamment autrefois, on n’en faisait pas surtout une affaire de secte et l’enseignement n’existait pas moins; il suffisait à produire une série de générations qui ont témoigné leur valeur et leur puissance dans la politique, dans les lettres comme dans l’industrie, dans les affaires. Cet enseignement même des filles, dont on parle toujours comme de la grande innovation du temps, est-ce qu’il a manqué en France aussi complètement qu’on le dit? Les filles, il est vrai, n’apprenaient pas à prendre pour modèles les femmes de Sparte ou les Gauloises du temps des druides, que M. le général Boulanger proposait, il y a quelques jours, en exemple aux jeunes élèves de Saint-Denis. Elles apprenaient à être de modestes mères de famille ou des femmes faites pour la vie sociale. Qu’est-ce que cette France nouvelle qui est la nôtre aussi bien que l’ancienne France, si ce n’est l’œuvre de ce vieil enseignement qui n’était point universel sans doute, qui n’avait pas la prétention d’être démocratique, qui a suffi néanmoins pour former les hommes et les femmes par qui a vécu et brillé la société française ?

Perfectionner, étendre, réformer par degrés l’enseignement national, oui, sans doute, c’est toujours une des premières préoccupations pour ceux qui sont chargés des intérêts publics : c’est une œuvre de patience, de sollicitude éclairée, d’application intelligente et pratique. Il est certain, ainsi que le dit M. le ministre de l’instruction publique, que tout a changé autour de nous : les institutions, les conditions de la vie, les relations avec les peuples, — que des besoins nouveaux se sont créés, que des circonstances nouvelles peuvent nécessiter des modifications dans le régime des écoles. Encore faut-il, dans des affaires aussi délicates que celles de l’éducation publique, se garder des témérités hasardeuses, et ne pas oublier que l’enseignement ne change pas dans son essence, qu’il a toujours pour premier objet de former des hommes, de maintenir le niveau intellectuel du pays. Le point grave, ici, est cette division des études qu’on veut inaugurer et qui