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nos ordonnées, et nous obtenons une sorte de courbe. Ce tracé ne saurait être qu’incomplet et grossier : incomplet, parce que la série des corps simples, ainsi rangés par ordre de pesanteur d’atome, est interrompue par places, et parce que plusieurs densités sont purement conjecturales ; grossier, à raison des incertitudes qui règnent encore au sujet de plusieurs poids atomiques et à cause des variations de densités subies par un même corps. Toutefois, telle qu’elle est, cette ligne informe, brisée en segmens séparés, raccordée çà et là, tant bien que mal, au moyen de traits pointillés, cette ligne, dis-je, peut rendre encore de grands services en chimie spéculative.

Quelle est la forme générale du lieu ? Celui-ci se compose de parties successivement montantes et descendantes, alternant avec des maxima et minima et, quoique bien moins régulier, il rappelle l’ornement typographique     . Les maxima sont tous occupés par les métaux alcalins, potassium, sodium et consorts et quelques-uns des minima, par des métaux lourds comme le platine. Métalloïdes ou métaux, les matières correspondantes à l’ensemble des parties élevées de la courbe possèdent invariablement des fonctions chimiques nettes et accusées dans un sens ou dans l’autre ; tel est le cas du chlore comme du calcium, du soufre comme du phosphore. En outre, ces corps jouissent d’une propriété physique commune : ils sont assez dilatables par la chaleur. Qu’on ne s’étonne pas de voir un caractère de cet ordre en rapport avec le poids atomique : il y a d’autres rapprochemens inattendus à remarquer aussi. La ductilité ou aptitude à s’étirer en fils se manifeste surtout dans les branches ascendantes, au lieu que sur les parties descendantes sont des matières plus cassantes. La première tendance est corrélative d’une aptitude à cristalliser dans le système régulier, mais les molécules des élémens qui se brisent sans difficulté se groupent suivant des lois variables et moins simples.

Sans appuyer plus longuement sur l’énoncé de ces lois, dont l’intérêt est indiscutable, mais qui réclament encore le contrôle de nouvelles expériences, nous allons passer à l’exposition rapide de la classification proposée par M. Mendeléjef et englobant l’ensemble des élémens. Le chimiste russe forme huit familles, dont chacune se subdivise en groupes.

La première famille comprend, outre les métaux alcalins, une seconde tribu dans laquelle se rangent le cuivre, l’argent, l’or, ceux-ci situés dans les parties inférieures, ceux-là s’élevant dans les hautes régions de la courbe. Entre l’ensemble des deux sections et entre les trois métaux que contient la seconde on remarque des divergences notables. Le sodium, d’une part, l’argent, de l’autre, établissent la transition de la première série, constituant un faisceau